Dans Thérapeutique des maladies spirituelles, Paris, 1991, Jean-Claude Larchet a largement montré que « le Salut opéré par le Christ est conçu par la Tradition comme une guérison de la nature humaine malade et la restauration de sa santé primordiale » (p.11). Le métropolite Hiérothée souligne que cette guérison va de pair avec la confession de la vraie foi : cf.article publié sur ce site le 2 avril. […]
La dégradation de la méthode –
En développant ce thème, nous pouvons dire que les commandements du Christ nous montrent la façon naturelle et parfaite de vivre. Quand le médecin prescrit au malade un traitement, il a en vue l’état de l’homme en bonne santé auquel il veut conduire son patient. De la même façon œuvrent également les commandements du Christ. La foi orthodoxe nous montre la voie du Salut pour trouver la santé spirituelle que nous atteindrons en même temps que nous offrirons le culte véritable à Dieu. Quand la foi est dégradée, se dégrade également le mode et la méthode de la thérapie. Nous voyons cela dans le cadre des diverses religions et confessions chrétiennes.
Ainsi, la différence entre l’Orthodoxie et les autres confessions ou religions concerne particulièrement cette problématique de la guérison de l’homme. L’Orthodoxie a un système thérapeutique parfait. Elle connaît l’état de santé de l’homme, elle voit de façon claire ses blessures et recommande le traitement le plus approprié. Par conséquent, en même temps que se dégrade la foi, la thérapie également, la guérison de l’homme entre dans une voie erronée, de sorte que l’homme n’a plus la possibilité de guérir et de trouver une vraie relation et communion avec Dieu.
Les saints Pères
Les saints Pères nous montrent et rendent pour nous évidente cette voie de guérison. Et les luttes pour la foi ont conduit, en fait, à garder la « méthode » de guérison, autrement dit, la méthode par laquelle l’homme communique avec Dieu. En cela je crois se trouve la grande valeur des écrits patristiques.
Il y a quelque temps on entendait l’invitation : « Retour aux Pères ! » Du moment que, en se guidant suivant la seule logique humaine, l’homme n’a rien réussi d’important, il a pris conscience du fait qu’il a besoin d’un retour aux saints Pères. Mais il a été ensuite saisi de doute à l’égard de cette « devise », parce qu’elle semble uniquement une sorte de « retour », et il l’a remplacée par une autre : « Allons, joignons-nous aux Pères ! » Toutefois, cette nouvelle injonction non plus n’exprime pas de façon parfaite la vérité de l’Église. L’invitation « retour aux Pères ! » n’est pas juste, puisque les saints Pères sont les fils de l’Église. Certains de ceux qui sont parvenus à communier à la lumière et à être déifiés ont exprimé ensuite l’expérience de l’Église. Ainsi, l’Église est celle qui engendre et qui forme les Pères : ce n’est pas l’inverse. Il existe aujourd’hui encore des hommes qui ont été dignes de l’illumination et de la déification et qui peuvent parler des problèmes qui préoccupent l’homme contemporain.
Chaque époque patristique est une époque de l’Église ou, pour mieux dire, est la vie de l’Église. En même temps, l’exhortation « allons, joignons-nous aux Pères ! » montre de la vanité ainsi que le danger que les écrits des saints Pères soient interprétés par des hommes qui n’ont pas obtenue une transformation (transfiguration) spirituelle : la théologie et la vie patristique pourraient alors devenir une spéculation rationnelle et improvisée. Il est juste que nous fassions obéissance aux pères spirituels déifiés qui existent aujourd’hui encore, véritables porteurs de la Vérité révélée gardée au sein de l’Église.
L’idéologie
Aujourd’hui, nous le regrettons, nous sommes les témoins d’un processus de transformation de l’Orthodoxie en idéologie. De grandes vérités concernant la vie sont devenues de simples idées parmi beaucoup d’autres, de sorte que le christianisme nous apparaît comme privé de toute victoire, impuissant à répondre aux demandes de notre époque. Le peuple orthodoxe, doué du sens orthodoxe, s’afflige d’une telle vision idéologique, qui n’a aucun rapport avec la vie.
Beaucoup voient dans les écrits des Pères, non des organismes vivants, mais des écrits vieillis, bons pour le “ musée”. A cause de cela on est arrivé également à étudier et à aborder les Pères dans une perspective sentimentale ou académique. Héritiers du modèle occidental de pensée et de vie, certains étudient toutefois les saints Pères. Mais le Christ a dit : « Les gens ne mettent pas du vin nouveau dans de vieilles outres ; […] mais ils mettent du vin nouveau dans des outres neuves » (Matthieu 9, 17). Il est nécessaire de changer la pensée entière et toute la mentalité pour pouvoir goûter au vin nouveau du christianisme.
La conversion
Ce changement s’appelle le repentir, la conversion. Avec une mentalité rationaliste, avec une disposition sentimentale, des comportements non orthodoxes et totalement étrangers à l’Église, on ne peut pénétrer dans l’esprit des saints Pères. Le repentir profond, et non pas superficiel, est celui qui nous purifiera de tout ce qui est vieux et nous gardera de la corruption de la vie déchue, c’est-à-dire de l’illusion de l’homme déchu.
Les livres des saints Pères, comme ceux du nouveau Testament, doivent être vus directement comme des écrits thérapeutiques, qui guérissent l’homme, ainsi que comme les propres fruits de la thérapie, et non des moyens de parade, par lesquels nous impressionnons notre entourage, en affichant une nouveauté ou une mode. Notre conversion au sein de l’Église orthodoxe apportera avec elle l’orthodoxie de notre foi et de notre vie, et nous guérira, de sorte que nous puissions offrir à Dieu un culte véritable.