Être « pour » –
Il est beaucoup question d’antisémitisme ces temps-ci, et à juste titre. L’antisémitisme est un scandale. Il se publie des textes, il s’organise des conférences contre l’antisémitisme, on pourrait en organiser contre l’antijudaïsme… Mais être hostile à une attitude hostile, « contre » ce qui est « contre », n’est pas toujours satisfaisant. On pourrait suggérer d’être « pour » ou « pro », ce qui correspond aux expressions « philosémitisme » ou « philo-judaïsme ». Pour le premier mot, il y a un article chez Wikipedia : philosemitisme.Wiki ; il y a également un blog sur le sujet : philosemitisme.blogspot.com/
La continuité judéo-chrétienne
Le philo-judaïsme, respect et amour de la tradition biblique ; respect et amour des personnes juives qui, à travers l’Histoire, ont porté et portent la Torah ; respect et amour de nos racines (si l’on veut souligner la continuité du livre de la Genèse au bébé baptisé dimanche dernier) ou de l’olivier sur lequel sur lequel nous sommes greffés (si l’on souligne plutôt le miracle de la dilatation d’Israël vers les nations) est vital. Toute notre pratique liturgique et sacramentelle, à commencer par l’Eucharistie, surgit de la tradition juive. La Mère de Dieu, la Vierge Marie, est une personne juive, comme l’ont été tous les premiers baptisés, toute la première communauté racontée dans les Actes des Apôtres. L’hostilité aux personnes d’origine juive est plus grave que n’importe quelle forme de racisme, parce que, comme l’a dit le Christ à la Samaritaine, « le Salut vient des Juifs » (Jn 4, 22).
Le suicide spirituel
Pour des baptisés, accepter activement ou subir passivement l’antisémitisme et surtout l’antijudaïsme revient à un suicide moral et spirituel, en se privant de la transmission vitale. La tiédeur qui se rencontre parfois dans nos assemblées ou dans le discours chrétien, le formalisme qui s’entend parfois dans notre théologie, s’expliquent peut-être par le fait que nous sommes, nous les disciples du Messie, paradoxalement, en état de sous-alimentation biblique. Notre foi en Jésus-Christ vrai Dieu et Vrai Homme, Fils de Dieu, Fils de l’Homme, Fils de David, se développe en s’oxygénant, en s’abreuvant, en s’alimentant continuellement à la source juive. Chrétiens, nous sommes ces Juifs qui reconnaissent le Messie et l’acclament, le dimanche précédant Pâque, quand Il entre humblement, porté par le petit d’une ânesse, dans la Ville sainte.
La fidélité
Ceci va peut-être de soi pour tout baptisé. Il n’empêche que notre catéchèse, notre catéchisme, notre homilétique n’en tiennent pas toujours compte. L’histoire du Salut ne commence pas le 25 mars, avec l’Incarnation du Verbe, ou le matin de Pâque, avec la Résurrection de ce même Fils du Père. L’Incarnation de la Parole prononcée au cours de toute la Bible, le devenir-homme du Verbe qui parla à Moïse dans le buisson qui brûlait sans se consumer ; la Descente vertigineuse de l’Esprit qui a reposé sur les eaux initiales de la Création et qui a « parlé par les prophètes » – sont évidemment des événements uniques qui structurent l’Histoire universelle dans un avant et un après. Mais ces révolutions divino humaines n’introduisent pas de rupture ; elles constituent une dilatation et un accouchement de toute la tradition juive et biblique, l’acte par excellence de fidélité, assumé par Dieu et par ceux qui, par le saint Esprit, ont la grâce de croire en Jésus Seigneur. Le philo-judaïsme est une attitude de fidélité.
La mobilisation des chrétiens
L’heure est venue pour tous ceux qui se réclament du Nom de Jésus de se solidariser et de se mobiliser en faveur, non seulement de leurs frères et amis juifs toujours menacés dans leur existence sociale elle-même, mais encore plus en faveur de ce qu’ils véhiculent, la grande Arche d’alliance biblique qu’ils nous ont transmise. Il s’agit de solidarité avec les Juifs, bien entendu, et de solidarité avec les racines juives de la civilisation européenne, mais également de solidarité avec la Parole, avec le Christ lui-même, Parole faite chair. L’Église du Christ se renouvelle continuellement par la grâce du saint Esprit : comment ? Mais, parce que l’œuvre du saint Esprit est de ressusciter continuellement la Parole, de vivifier continuellement la Torah, de rendre continuellement témoignage au Verbe qui parle dans sa Parole. La perte de contact avec l’héritage judaïque et biblique revient à un moment ou à un autre à éteindre l’Esprit, à le rendre inactif ou inopérant, puisqu’Il se manifeste dans sa relation et sa communion avec le Verbe. Les Pères anciens étaient principalement des exégètes. Une authentique fidélité à la tradition patristique et orthodoxe passe par la fidélité au judaïsme. Notre discours ecclésial a tout à gagner en crédibilité en revenant sans cesse à l’ensemble des trésors de la Parole, historiques, prophétiques et sapientiaux.