En notre temps de réévaluation, Olivier Clément, sublime théologien orthodoxe français, peut être lu et relu avec grand profit. Il consacre à « Dieu et César » des pages courageuses dans deux ouvrages : Questions sur l’homme (Anne Sieger, Québec, 1986, p. 123-145) et La révolte de l’Esprit (Stock, Paris, 1979, p. 157-175). Dans les deux cas, il s’agit d’une réflexion sur la liberté de la conscience chrétienne devant le pouvoir en ses diverses formes.
« Les sociétés occidentales affirment leur respect du pluralisme et de la liberté de l’esprit, mais la pénétration des techniques dans le domaine de l’imaginaire, et la prise en charge de ces techniques par l’État, créent une situation ambigüe. On assiste à la diversification bureaucratique du contrôle social, à la manipulation des besoins, au quadrillage psycho-sociologique de la population, avec diffusion d’une psychanalyse vulgarisée à laquelle on ne pourra plus, bientôt, se dérober sans passer pour paranoïaque.
Les Églises doivent se préparer, au prix d’aspects inattendus de la confession, sinon du martyre, à sauvegarder la ‘folie en Christ’, le ‘monde à l’envers’ des Béatitudes, des formes de liberté, voire de marginalité, qui refusent ce que Berdiaev appelait le ‘cauchemar du mauvais bien’ : mauvais parce qu’il est imposé, serait-ce par un conditionnement feutré…
Dans les solidarités sociales, nationales, culturelles, qu’il assume loyalement, le chrétien est appelé à introduire, par sa seule action de présence, un clivage, une distance, une tension qui à la fois inquiètent, éveillent, fécondent. Lui-même y trouvera sa croix, et donc le gage d’une espérance autre ».