Les faits historiques –
Frères et Sœurs, le Christ est ressuscité ! Cette affirmation par laquelle nous nous saluons pendant les quarante jours qui suivent Pâque n’est pas une parole dite à la légère. Elle n’appartient pas à un prétendu folklore des Orthodoxes, que ceux de l’extérieur constatent avec un intérêt amusé et un peu condescendant. Non : nous affirmons un fait qui a été constaté par des témoins oculaires nombreux. La foi chrétienne n’est pas une théorie ou une doctrine : elle s’appuie sur des faits historiques et elle donne à l’histoire universelle son architecture.
L’incroyable nouvelle
Les premiers à avoir prononcé ce cri incroyable – « le Christ est ressuscité ! » – sont les disciples et les apôtres, les femmes « égales aux apôtres », qui virent le tombeau ouvert et vide et qui rencontrèrent le Seigneur en personne, ressuscité corporellement. Comme on dit, il fallait le voir pour le croire : et, précisément, ils virent et ils crurent, comme le dit le saint Évangile. Et, en cet octave de Pâque, les apôtres voient le Messie ressuscité corporellement ; ils peuvent entendre sa voix et toucher son corps. Deux actes divins donnent ainsi un statut éternel au corps : l’Incarnation, par laquelle Dieu s’est fait corps ; la Résurrection, par laquelle le même Dieu et Verbe s’est relevé lui-même corporellement depuis la mort. Et ces deux actes ont été accomplis par le Fils et Verbe de Dieu par la puissance de l’Esprit.
Le corps de Dieu
Le corps a une valeur centrale dans la foi chrétienne. Notre foi est incorporée. Nous pouvons toucher Dieu et être touché par lui. Aujourd’hui Thomas peut toucher de son propre corps le corps du Sauveur. Le toucher, autant que l’ouïe, la vue et le goût, mobilise le corps. Notre propre corps de baptisés est rempli du saint Esprit. Ses sens se développent et s’aiguisent. Il touche le corps du Seigneur dans le corps des saints, par exemple en leurs reliques, quand il échange le baiser pascal à l’issue des matines ; quand il donne un baiser à l’icône, elle-même matière transfigurée et consacrée ; quand il prend de sa propre bouche et de son propre corps une parcelle du corps du Dieu vivant et quand il s’abreuve de son sang précieux ! Notre relation au Seigneur est une communion corporelle, physique et sensorielle.
Le corps universel
Le corps du Christ inclut tous ceux qui se sont incorporés à lui par la foi, par l’amour, par le baptême, par l’eucharistie. Aujourd’hui, Thomas l’Apôtre approche son doigt du mystère de l’Église, l’assemblée dont il fait lui-même partie dès qu‘il dit « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Mais la chair du Dieu fait homme inclut également tout être humain : le pauvre dont la main est celle du Christ ; le malade dont le corps souffrant est également le corps du Christ ; l’humilié dont la chair profanée ou meurtrie est celle du Christ. En effet, la corporéité du Verbe inclut « toute chair », la nature corporelle de l’humanité universelle, et les corps promis à la résurrection pour lesquels nous prions tous les jours.
La résurrection des corps
L’actualité de la foi est saisissante ! Notre temps a besoin qu’on lui annonce la dignité du corps ; il a besoin qu’on lui parle de la sainteté de la matière ; il attend qu’on lui promette l’immortalité non seulement de l’âme, mais de l’être tout entier, corps et âme, tel qu’il a été modelé par le Créateur. Et l’évangélisation du corps inclut toujours que le corps que l’on respecte tant, celui des vivants, celui des défunts, celui de l’enfant qui va naître, est un corps rempli de l’Esprit. Le souffle initial parcourt l’être entier, corps et âme. Ainsi l’âme tend à devenir esprit ; le corps tend à être esprit, spiritualisés qu’ils sont par la grâce de l’Esprit qui les parcourt et les habite. Et c’est parce que l’Esprit du Christ, lui-même habité par l’Esprit, habite le corps humain, que celui-ci ressuscitera : le Symbole des Apôtres annonce « la résurrection de la chair » !