La situation de l’Église chrétienne sur la planète donne quelquefois l’impression d’un certain nationalisme, c’est-à-dire de l’identification d’une Église particulière avec une cause nationale. On parle, d’ailleurs, d’Église grecque, d’Église africaine, russe, roumaine, etc.
Le phylétisme
La conscience de l’Église a condamné comme déviation grave ce qu’on a appelé le « phylétisme », confusion d’une Église et d’un peuple. Pourquoi ? Principalement parce que l’Église est dans le monde sans être du monde. Le Christ, qui est à sa tête, transcende les préoccupations mondaines, Il ne s’identifie à aucun parti. Les textes du saint Évangile nous montrent que ce fut une tentation pour le Messie qu’Il était, et qu’Il est, de se laisser réduire à la problématique politique de son peuple – lutte pour l’indépendance nationale sous l’occupant romain. Il y a bien des exemples historiques d’une telle confusion, ou d’une utilisation de l’Église par l’État qui voit en elle essentiellement une dimension importante de la nation, de la culture et de l’histoire du pays. Mais Toute réduction de l’Église à autre chose qu’elle-même – c’est-à-dire le Corps du Christ – est une erreur qui prive les chrétiens de toute force dans leur mission.
L’Église des nations
La communauté chrétienne n’est pas pour autant une abstraction. Le Fils de Dieu s’est fait homme dans un peuple précis, Il s’est fait véritablement citoyen de ce monde. Et chaque peuple doit pouvoir apporter en offrande au Christ les trésors de sa propre culture et de sa propre histoire, comme le montre l’exemple des Mages à Noël. À l’inverse de l’erreur précédente, il serait inexact de vouloir un christianisme sans consistance humaine. L’Incarnation de Dieu nous montre dans le Christ, notamment au baptême dans le Jourdain, celui qui est Dieu parfait et Homme parfait ; en lui s’unissent deux volontés et deux énergies – divines et humaines. Pour cette raison, tous les peuples sont appelés à célébrer dans leur propre langue, et peuvent avoir des coutumes locales qui ne contredisent pas l’unité générale de l’Église.
L’épiscopat
La tradition ancienne de l’Église a pris très au sérieux la réalité de chaque nation. Origène dit que chaque peuple a son ange… Théologiquement parlant, l’Église a une seule hypostase, qui est celle du Christ. Mais cette unité sous la tête de son chef est vécue localement dans le cadre d’une communauté appelée « catholique », c’est-à-dire totale selon le tout de la vie du Christ en elle. Et, ce qui manifeste la « catholicité » de l’Église locale, le fait qu’elle est totalement présente en un lieu et dans un peuple à un moment de l’histoire, est le ministère épiscopal. Pour cette raison, les évêques d’un lieu, d’un territoire, d’un peuple, élisent le premier d’entre eux, ou « primat ». Et l’Église locale est plénière, elle ne reçoit pas sa plénitude d’une autre : elle doit toutefois être en communion avec toutes les autres Églises locales pour attester cette plénitude.
Il ne faut donc pas confondre Église locale et Église nationale. L’Église locale comprend tous ceux qui, dans un même lieu et en un même temps, confessent la même plénitude de la foi : et ceux-ci peuvent être d’origine ethnique différente, notamment aux époques de grande migration des peuples.