Religion et violence
Sur la planète, ces temps-ci, le fait religieux inspire une certaine suspicion, puisque des personnes, des États, des partis, qui se réclament d’une croyance, se livrent à des actes d’une violence extraordinaire. On voit sur Internet les images insupportables d’assassinats, d’exécutions, de destruction d’églises, qui laissent rêveurs. Beaucoup de nos contemporains, qui se déclarent croyants, préfèrent n’appartenir à aucune religion, pour ne pas être complices de ce qui s’accomplit en son nom. La religion est, et a souvent été, utilisée à des fins qui doivent lui être considérées comme étrangères. L’Histoire, ancienne ou récente, montre bien des événements odieux où la religion a servi de justification. Les chrétiens, d’une communauté ou de l’autre, ne sont pas bien placés pour faire la leçon aux autres dans ce domaine.
Perversion du religieux
Il semble que, statistiquement, dès que le religieux est associé de près ou de loin au pouvoir et à l’État, la tentation est presque irrésistible de s’appuyer sur des arguments religieux ou prétendus tels pour imposer aux autres, aux minorités notamment, des comportements et des croyances qui ne sont pas les leurs. Des textes religieux fondamentaux, comme la Bible, l’Évangile, le Coran, et d’autres, peuvent toujours être confisqués par ceux qui veulent satisfaire leur désir de pouvoir. Il suffit pour cela d’extraire un passage de son contexte, ou de l’appliquer de façon étroitement littérale. Un coup bien assené de livre sacré peut tuer … Religion, bien des crimes sont commis en ton nom ! Ces crimes peuvent la discréditer : « Pourquoi la religion les rend-elles fous ? », titrait une récente édition de Marianne. Effectivement, bonne question : comment la relation avec Dieu peut-elle tourner au désastre mental et à la déshumanisation ? À quel moment le Diable s’en mêle-t-il ? Car nous persistons à croire, et sans naïveté, que l’horrible violence manifestée ces derniers temps, et au cours de l’année écoulée, n’appartient pas à l’essence du religieux.
Le Diable s’en mêle
Nous pensons qu’il y a quelque chose de diabolique dans la perversion du religieux, dans le détournement des croyances, leur transformation en idéologie politique, l’autorité pseudo divine qu’elles reçoivent pour faire le mal. Il y a ici du diabolique, parce que c’est un pouvoir et une autorité usurpés pour nuire à la liberté humaine. Rien de ce qui va contre la liberté ne peut être de Dieu, car la liberté en l’homme relève précisément du sceau de l’image divine. Il faut donc dénoncer sans ambages Ce que l’homme fait à l’homme (titre de Myriam Revault d’Allonnes, Paris, 2010), le mal que les non chrétiens font aux chrétiens, ce que les chrétiens font ou ont fait au non chrétiens, ce qu’ils ont eux-mêmes fait à d’autres chrétiens, et les persécutions infligées par eux à leur coreligionnaires… Et il est même des formes suspectes de la non-violence quand celle-ci veut à son tour forcer autrui à ce qu’il ne veut pas.
L’Agneau immolé
Il se trouve que la religion a justement pour fin essentielle de gérer la violence. Celle-ci surgit dans les communautés humaines, fruit spectaculaire du péché dès la Genèse (4, 8). Sans les traditions religieuses, une communauté peut disparaître parce que ses membres s’entretuent. C’est pourquoi les religions comportent des sacrifices : ceux-ci ont pour but, généralement, de canaliser la violence (René Girard, La violence et le Sacré, Paris, 2011). Les lois et les principes religieux jouent en général le même rôle : assurer la paix au sein d’un peuple et entre les peuples. Les hommes religieux sont, devraient toujours être, des hommes de paix, selon les Béatitudes.