Le secret du Père –
L’enseignement de Jésus Christ en ce qui concerne le jeûne en souligne le caractère « secret ». Est-ce à dire que nous devons nous cacher pour jeûner ? Serait-ce une forme d’hypocrisie, après tout. En fait, tout ce que nous faisons d’important, c’est devant Dieu et pour lui que nous le faisons. Le jeûne est l’oblation de notre cœur, un sacrifice intériorisé. Nous immolons par amour pour notre Père céleste toutes les convoitises de ce monde, et même les appétits les plus légitimes. Cela se passe entre le Père et chacun de nous. Nous ne jeûnons pas pour les hommes.
Faim et soif de Dieu
Nous jeûnons pour Dieu, pour cultiver la faim et la soif que nous avons de sa parole. Nous voulons nous nourrir du Pain de vie qui n’est autre que le Fils bien aimé du Père ; nous voulons nous désaltérer au breuvage mystique que, avant la fondation du monde, le Père a préparé pour chacun de ceux qui croient en lui, en son Fils et en l’Esprit dont Il est la source unique. Quel est ce breuvage ? Mais : le Sang très pur et très précieux de son Fils ! De toute éternité, le Père a préparé le banquet mystique du Corps et du Sang du Verbe pour ceux qui, effectivement, se préparent à ce régal dans l’Esprit en consacrant tous leurs désirs à l’offrande que le Père fait de son Fils. Nous apprenons à n’avoir faim que de celui-ci, à n’avoir soif que de lui, de sa sagesse, de sa miséricorde, de son amour.
L’offrande du Père
Le jeûne est une consécration intérieure de soi à l’offrande préparée par le Père. Je ne veux avoir faim ni soif de rien d’autre que de ton divin Fils. Donne-moi, Père céleste, cette nourriture divine ! Le jeûne n’est pas seulement, négativement, une façon de renoncer à des besoins méprisables. Il est positivement cette consécration de chacun de nous au Père qui voit dans le secret. La pratique rigoureusement communautaire du jeûne est fondée sur la communion exclusive de chacun avec le Père des cieux.
L’unité de l’Église
Mais le jeûne est une expérience communautaire, celle où chaque personne vit dans l’unité de l’Esprit, dans la « communion du saint Esprit ». Par le jeûne, enraciné dans le secret d’un cœur épris de Dieu, nous faisons l’expérience de l’unité de l’Église de tous les temps. Les hommes ont toujours jeûné, depuis la perte du Paradis. Ils ont, comme Adam, exprimé leur deuil, leur nostalgie de la familiarité divine. Il en est qui ont, purement et simplement, perdu l’appétit, tellement leur deuil était grand. C’est le jeûne véritable, quand le souci du Salut, le souci du prochain, la compassion pour autrui et les larmes de repentir servent au croyant d’aliment et de boisson. « J’en oublie de manger mon pain ! », dit le prophète David (ps.101).
Le trésor de l’amour divin
Mais, le jeûne, expression du deuil selon l’Esprit, ou saisissement par une grande joie, est le « trésor » dont parle le Christ en ce jour. Dans le secret du cœur, dans la chambre fermée où, en fils selon l’Esprit, l’homme s’adresse au Père, un trésor inestimable se constitue ; le talent de la grâce baptismale se multiplie ; le salaire charismatique du labeur selon Dieu est versé par les anges, ces financiers de Dieu. Ce trésor n’est autre qu’un immense amour pour Dieu et pour le prochain. Par le jeûne, il est donné à l’homme d’accomplir le premier et le deuxième commandement ; il reçoit la grâce de faire la volonté du Père qui est que nous connaissions l’amour de son Fils unique pour lui-même, le Père, et pour tous les hommes, par le saint Esprit, qui veut que tous soient sauvés. Par le jeûne nous acquérons la grâce de donner notre vie par amour pour autrui. Là est le trésor ; là est le banquet de l’amour divin. Nous jeûnons pour goûter à l’amour.