La pédagogue –
D’Anne-Marie Deschamps, on disait qu’elle pouvait faire chanter des pierres (« s’ils se taisent, les pierres crieront » – Lc 19:40). De toutes les activités qu’elle a exercées (musicologie, direction de chœur paroissial, direction d’ensembles professionnels, mise en scène…), c’est assurément pour la pédagogie de la voix qu’elle a reçu le plus beau don de Dieu. Dans les innombrables stages qu’elle a animés, elle arrivait toujours à faire sortir de tous les participants un son qui était “beau”, même de ceux dont tout le monde disait qu’ils étaient “nuls” et dont personne ne pouvait rien obtenir.
Le souffle de l’Esprit
Bien qu’elle ait fait des incursions dans des répertoires autres que la musique a capella, le chant était pour elle avant tout expression de la Parole de Dieu portée par le souffle de l’Esprit – Esprit qui, comme on le sait, souffle où Il veut, et bouscule quelques conventions et préjugés bien établis. C’est cet esprit – et cette fougue – qu’elle a insufflé aux compositions et adaptations liturgiques de Maxime Kovalevsky. Chantée par elle et par ceux qu’elle a formés, cette musique est porteuse d’une énergie qu’on retrouve rarement chez d’autres interprètes. C’est également ce souffle qu’elle a communiqué aux neumes qu’elle étudiait “sur le papier”, mais dont personne n’avait encore idée du résultat que cela pouvait donner dans un gosier contemporain.
Le chant des anges
À présent, je ne doute pas qu’elle est associée aux chœurs célestes. Avec son “oreille absolue” (que bien souvent j’ai considérée comme un handicap, comme quand elle entendait en dictée musicale la moindre musiquette débitée en boucle dans un aéroport ou un restaurant), elle va pouvoir retranscrire leur chant ineffable. Malheureusement, elle ne pourra nous le transmettre, comme Mozart après avoir écouté le Miserere d’Allegri dans la Chapelle Sixtine. Pour cela, il nous faudra patienter.
Un souvenir
Qu’il me soit permis un souvenir personnel. Vers 18 ans, j’ai eu envie d’apprendre à chanter. Ma mère m’a conseillé d’aller voir Anne-Marie. Quand je suis arrivé à la répétition qu’elle dirigeait comme tous les lundis à la cathédrale Saint-Irénée de Paris, elle m’a dit : « Mets-toi avec les basses et chante avec eux. Quand on sait chanter cette musique, on sait tout chanter ! » Je ne peux pas assurer que je sache tout chanter, mais, assurément, j’ai trouvé là ma voix, et surtout ma voie. Quelques temps après, j’étais baptisé, et, depuis lors, le chant ne m’a plus quitté ; en tout cas celui de la louange de Dieu, et c’est le plus important. Merci Anne-Marie. (prêtre Gabriel Lacascade)