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In memoriam Rahila Popovici (Suceava, 1920 – Versailles, 2015)

Rahila

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La vie paroissiale est faite par les personnes en communion avec le Christ. Entrée dans son repos le 28 juin 2015, Rafira (Rahila) reçoit ici l’hommage de sa petite fille, Sinziana.

Bunica

« D’aussi loin que je me souvienne, et je vais avoir 40 ans, ma grand-mère Buni a toujours fait partie de mon environnement. Nous avons habité ensemble pendant une longue période, de 1982 à 2000, puis je me suis installée avec Grégory. Mais elle n’était jamais très loin de nous, d’ailleurs nous lui confiions Augustin bébé qu’elle gardait une partie de la semaine.

C’est dans les circonstances dramatiques du décès de mon père Eugène en 2004 que Buni a rejoint notre foyer. Quelques semaines plus tard naissait Eugénie, puis plus tard Ambroise, et dernièrement Arsène. Les aléas de la vie nous ont ainsi permis de reconstituer une famille à trois générations telle celle que j’ai connue dans mon enfance. C’est de cette période récente d’une dizaine d’année que je voudrais vous entretenir brièvement.

Un foyer à trois générations comme le nôtre, c’était toute une organisation derrière la désorganisation apparente que l’on nous reprochait parfois… Buni s’était très bien acclimatée à notre famille et à nos règles de vie, la souplesse étant une de ses qualités.Cependant, il y avait quatre principaux domaines qui étaient SON pré carré, elle y accomplissait des tâches selon un ordre, une gestuelle, un rituel immuable dont elle seule avait le secret.

Les fenêtres

Tous les mois et à tour de rôle, toutes les fenêtres de la maison étaient astiquées et reastiquées, en dehors et en dedans, et lorsque c’était le tour de la pièce où vous vous trouviez, peu importe ce que vous étiez en train de faire, il fallait lui laisser le champ libre!

Le repassage

Vous repassez sûrement vos chemises, robes ou pantalons… Avec Buni tout le linge, des chaussettes aux culottes et au moindre chiffon, était soigneusement repassé, plié, rangé, parfois dans la mauvaise armoire, mais après tout ce travail, comment le lui reprocher?

Les fleurs

Buni aimait particulièrement les fleurs et celles-ci le lui rendaient bien, c’est, je crois, ce qu’on appelle avoir la main verte. Je lui rapportais, de droite et de gauche, des plantes mourantes, et elle les ressuscitait. Par ses bons soins, comme par magie, elles refleurissaient. Dès qu’elle rentrait dans la cuisine, son premier regard était pour ses fleurs. Elle les caressait, les bichonnait, leur parlait, leur mettait toutes sortes de produits… j’en suis encore aujourd’hui toute remplie d’admiration!

Les recettes roumaines traditionnelles

A Pâques comme à Noel, quand c’était le jour des cozonaci, un véritable marathon commençait dès la semaine précédente, avec l’achat des BONNES noix, des paquets de farine, de sucre, des litres de lait FRAIS ENTIER, des plaquettes de beurre… Puis pendant un ou deux soirs on entendait le bruit familier du casse-noix, suivi du bruit tout aussi familier du moulinet… ça nous avait gâché notre film, mais la poudre de noix était prête! Le jour J, avec une organisation sans faille et sans une minute de relâche, de 6h à minuit, étaient confectionnés une douzaine de cozonaci. Le lendemain, un doute traversait son esprit: y en avait-il assez? Elle avait oublié la cousine de Mme Tartempion, à qui justement elle avait promis… Je courais donc racheter des ingrédients, et c’était reparti pour un tour!

Vous l’avez compris, Buni travaillait beaucoup, mais lorsqu’elle ne travaillait pas, elle avait des centres d’intérêt, principalement quatre.

La lecture

Sur nos lieux de vacances, l’approvisionnement de Buni en magazines et journaux divers était essentiel au quotidien, nous étions ainsi au courant de toute l’actualité, assortie des commentaires bien sentis de Buni sur l’état de la France, la marche du monde et la roublardise de la classe politique (“ tous des voleurs!”). Buni lisait donc beaucoup, et tout ce qui lui tombait sous la main, les livres des enfants, les propectus […]

Le téléphone

Tous les jours, et même plusieurs fois par jour, Buni appelait Liliana, ou Liliana appelait Buni. Liliana était pour elle comme sa fille adoptive. Parfois Buni se plaignait de moi, de mon attitude peu gentille à son égard, ce qui avait le don, à tort, de m’exaspérer… Dernièrement Liliana m’a assuré qu’elle mettait un point d’honneur à oublier aussitôt tout ce qu’elle apprenait de désobligeant à mon sujet, ce qui m’a bien soulagée!

L’église

Lorsque Buni se levait, le dimanche matin, elle cherchait le moyen le plus approprié pour se rendre à la Liturgie: ce pouvait être le bus, le train, l’auto-stop, tout cela à la fois, ou par chance, la voiture familiale… A son retour, radieuse, rapportant du pain béni et des fruits du marché ‘pour les enfants’, elle n’avait pas de mot assez fort pour qualifier ce à quoi elle avait assisté: c’était superb, tellement beau (atît de frumos) !

Le supermarché

C’était l’autre lieu de prédilection de Buni, juste après l’église… Elle le connaissait comme sa poche, et pouvait passer des heures à examiner chaque produit de façon minutieuse, même si elle n’envisageait pas d’achat, juste pour le plaisir. Sans oublier les causeries, assise aux côtés de Florina, la dame des chariots.

J’espère que ces quelques souvenirs vous auront fait sourire, ceux qui me connaissent savent cependant que notre vie communautaire n’était pas toujours simple, on se faisait parfois de la peine, mais on se réconciliait toujours. Aujourd’hui je voudrais lui répéter ces paroles que j’entendais de sa part lorsque j’étais fâchée: “Iartà-mà pentru când te-am necàjit.

Je vais terminer ce mot en évoquant le témoignage d’une femme (Nicole Dron) qui a vécu ce qu’on appelle une NDE ou “mort clinique”, et qui raconte qu’au bout du tunnel, un être lumineux lui a posé cette question : “Et toi, combien as-tu aimé?”