« […] votre message me touche beaucoup. Voici un peu plus d’un mois que N. est entrée dans son repos. Bientôt nous en célèbrerons le 40ème jour. Si je pense à moi-même, je souffre terriblement de la séparation, sauf si je lui parle, en lui demandant pardon de ne pas l’avoir suffisamment aimée. Si je pense à elle, j’espère qu’elle est heureuse en Dieu: quand j’aurai la certitude de la béatitude que nous lui souhaitons tous, j’éprouverai certainement une grande paix et le Seigneur me donnera la grâce de me réjouir pour elle.
Ne dites pas, mon A., ne dites pas que cette épreuve qui m’est donnée soit injuste. Le Seigneur n’est que justice, quoique ses jugements soient insondables. Ne l’accusons pas, car Il est Lui-même entré dans la mort, et ne s’est pas contenté de nous voir souffrir de loin; Il a voulu gagner notre confiance en éprouvant ce que nous éprouvons. Du reste, cette épreuve ne saurait être injuste que si elle était infligée à un innocent. Mais, le Seigneur me montre mes péchés innombrables et constants et me conduit plus au repentir qu’à la révolte. J’essaye d’apprendre du Bon Larron cette belle parole: ‘Pour nous – pour moi – c’est justice!’ À la rigueur, ce serait injuste pour N. qui est une personne si bonne, si aimable et si dévouée à l’Église du Christ. Mais, même dans son cas, nous osons croire que le Seigneur, après le 40ème jour, l’acceptera au rang de ses amis. Pour les justes, la mort n’est pas une punition injuste; elle est l’entrée dans une plus grande familiarité avec Dieu.
Votre douceur et votre compassion me touchent d’autant plus que je sais un peu, parce que vous me l’avez souvent confié, combien vous avez souffert et souffrez encore du départ de votre papa. Dans ce cas encore, ce qui a pu vous paraître tellement injuste doit se dévoiler comme une convocation divine et donc comme un grand bien.Nous prions seulement le Seigneur de laver tous les péchés de nos défunts, afin que rien ne les sépare encore de lui et ne les empêche de jouir indéfiniment et infiniment de l’amour inexprimable qu’Il nous a montré par sa Pâque. ‘Demandons encore au Christ notre Roi et notre Dieu de leur accorder la miséricorde divine, le pardon de leurs fautes et le Royaume des cieux!’, dit la prière de l’Église.
En somme, à la place de la douleur d’être frustrés de ceux que nous aimons, vient le bonheur qu’ils soient heureux. Au lieu d’accuser Dieu, nous acceptons de voir nos propres péchés, et cela nous rend humbles et capables de glorifier la volonté si incompréhensible du Seigneur.
Merci encore pour votre amour et pour votre prière […] »