L’Esprit et l’Histoire –
La descente du saint Esprit s’est faite progressivement dans l’humanité, comme le montre la sainte Bible, à partir de l’effusion initiale rapportée par le livre de la Genèse. De génération en génération, on voit cette venue croissante de l’Esprit chez les législateurs, les justes et les prophètes. Abraham lui-même, par le saint Esprit, a vu le jour et l’heure du Fils de l’Homme et son tressaillement de joie est le signe de l’Esprit (Jean 8, 56). À un moment précis de l’Histoire, l’Esprit saint investit d’une façon exceptionnelle la personne de la Vierge Marie et suscite en elle la venue corporelle et humaine du Verbe divin. Il habite en plénitude le Fils de Dieu pendant tout son ministère terrestre. Il se manifeste en lui de façon extraordinaire par la résurrection d’entre les morts. Finalement, le Verbe, une fois glorifié à la droite du Père, envoie d’auprès de Celui-ci l’Esprit issu de lui: la Pentecôte est le jour de la descente foudroyante de l’Esprit en la plénitude de ses dons sur ceux qui confessent déjà, par sa propre inspiration d’Esprit du Père, la divinité du Fils de l’Homme. Historiquement, la venue de l’Esprit suit un progrès spectaculaire. Sur le plan personnel, c’est un peu différent.
La personne créée et l’Esprit
Tout homme a par nature une participation au souffle divin depuis la création en Adam. Tout homme, d’une manière ou d’une autre, est influencé par l’Esprit saint, et même des incroyants font, sans le savoir, la volonté du Père et s’approchent involontairement du Nouvel Adam, le Seigneur Jésus Christ. Conduit avec délicatesse ou avec force par l’Esprit, un grand nombre demande, de façon directe ou indirecte, le saint baptême. Dans cette action divino humaine accomplie par le Christ en l’Église son corps, et dans l’épiclèse qui suit et qu’on nomme chrismation, et ensuite dans la communion au Corps et au Sang de Dieu, la personne devient le réceptacle de tous les dons du saint Esprit et reçoit la capacité de faire à son tour ce que fait le Fils. La personne est adoptée par le Père dans l’Esprit saint, ou encore, selon saint Jean (Prologue), engendrée du Père par le saint Esprit.
Actualiser les dons
La question qui se pose alors est la suivante: comment mettre en oeuvre les dons charismatiques supérieurs reçus au saint baptême, à la chrismation et dans la communion eucharistique? Toute la vie des baptisée consiste dans l’activation de la grâce baptismale. Ainsi, le saint Esprit descend en une seule fois dans l’homme. Mais Il se manifeste progressivement en lui à mesure que celui-ci veut faire la volonté du Père en imitant le Fils et en s’assimilant à lui.
Par la foi, par une vie pure, par le service du prochain, par la louange adressée au Père, par la pratique quotidienne de l’Évangile de vie, le baptisé fait rayonner en lui, progressivement et de plus en plus, la lumière incréée de l’Esprit qui l’habite au Nom de Jésus Christ, jusqu’à la transfiguration de tout son être. Il n’a donc pas à gagner un Esprit qu’il n’aurait pas reçu ou à jouir d’une pentecôte personnelle qui n’aurait pas eu lieu pour lui; d’une certaine façon il ne devrait pas avoir à invoquer le saint Esprit pour lui-même. En réalité, le baptisé continue à prier “Kyrie eleison!” sans cesse, pour deux raisons.
Pourquoi invoquer l’Esprit ?
Premièrement, parce que c’est l’Esprit Lui-même qui, avec le vouloir de l’homme, active en lui ses propres dons: la réalisation de l’héritage charismatique reçu au saint baptême, à la chrismation et dans l’eucharistie, ne dépend pas du seul vouloir humain, d’une ascèse volontariste ou de pieuses résolutions ; elle dépend de la convergence du vouloir humain et du vouloir divin.
Deuxièmement, si le baptisé, qui est pourtant dépositaire de tous les dons charismatiques de l’Esprit, continue à invoquer l’Esprit, c’est d’une part parce qu’il ne peut jamais être rassasié de l’Esprit et, d’autre part, parce que l’Esprit, n’étant ni mesurable, ni quantifiable, est sans limite : l’homme est insatiable, et l’Esprit inépuisable. Mais cela ne remet pas en question la plénitude et la catholicité des dons du saint Esprit reçus en une seule fois au cours de la triple initiation chrétienne.
« Plus jamais soif ! »
La parole du Seigneur Jésus Christ à la Samaritaine annonçant que celui qui boira de l’eau qu’Il lui donnera, c’est-à-dire l’Esprit, “n’aura plus jamais soif”, est une parole eschatologique. La satiété n’est pas de ce monde et les dons de l’Esprit et la soif de l’homme sont incommensurables. Dans le monde qui vient, et même, avant cela, dans la seconde et ultime venue du Verbe, l’homme n’aura plus jamais soif, son attente sera comblée et sa faim rassasiée. Dans le Royaume, les justes et les bienheureux, qui ont précisément “soif de justice” c’est-à-dire de la connaissance du Père, “seront rassasiés” (Mat 5, 6).
Ainsi, l’Esprit est communiqué en totalité à ceux qui confessent la vraie foi et qui sont membres de l’unique Église de Dieu; mais, le baptisé ne jouit de ce patrimoine que progressivement, et cela jusqu’à la fin des temps, jusqu’à ce que le “plus jamais soif” s’accomplisse dans la familiarité éternelle du Père que connaissent les élus dans le Royaume.