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Les huit tons liturgiques

quielques chantres du Choeur de Louveciennes

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Les tons occidentaux – 

On trouve sur le site paroissial sagesse-orthodoxe, dans Prières et chants, un enregistrement (à écouter ou à télécharger) réalisé par les chantres de la paroisse orthodoxe Saint-Germain-et-saint-Cloud. Il s’agit du tropaire de la Résurrection et de l’hymne à la Mère de Dieu “Toi plus vénérable” dans les huit tons latins. Cette paroisse, en effet, française ou francophone, utilise depuis sa fondation, il y aura quarante ans en 2017, la musique liturgique fondée sur les mélodies d’origine grégorienne. Dès son origine, cette communauté a eu la vocation de témoigner de l’Orthodoxie occidentale, non seulement en vivant sur le territoire français, en utilisant la langue française et en magnifiant l’héritage des saints orthodoxes du Premier millénaire, mais en essayant d’assumer en partie le patrimoine culturel de ce pays. Grâce au site tout fidèle peut apprendre les mélodies de base qui sont employées pour la célébration dans cette église.

Le « formulisme »

La paroisse Saint-Germain-et-saint-Cloud a toujours prié selon la tradition liturgique latine, avec les partitions réalisées, sous la paternité spirituelle de l’évêque Jean (Eugraphe Kovalevsky), et du saint archevêque Jean (Maximovich), par le grand musicologue Maxime Kovalevsky. Pour faire bref, l’apport de ce dernier a consisté essentiellement à reprendre ce qu’il appelle des “formules” mélodiques traditionnelles et de les mettre au service de la Parole de Dieu en langue française. Ces “formules”, petites structures mélodiques composées de quelques notes, ont été empruntées au patrimoine liturgique occidental, tel qu’il a été encore accessible dans la tradition bénédictine, au moins jusqu’au concile Vatican II.

Universalité de la tradition liturgique

Il faut savoir que toutes les traditions liturgiques de l’Église utilisent des formules musicales de base, et les développent suivant le besoin du texte au service duquel elles se trouvent. En effet, la musique, ou plus exactement la voix humaine, n’a pas d’intérêt en soi, d’intérêt esthétique, par exemple. L’intérêt liturgique de la voix est le service qu’elle rend à la Parole. Trois familles musicales peuvent être sommairement reconnues: la famille byzantine (dont la musique s’est développée en milieu hellénophone, arabophone ou roumanophone, ainsi qu’en milieu serbe), la famille slave (connue bien sûr en milieu slavophone – ukrainien, russe et serbe), la famille latine (assez complexe puisqu’elle correspond à des Églises locales distinctes: Rome, avec le rite romain ; Milan, le rite ambrosien ; Tolède, le rite mozarabe ; Autun, le rite gallo-romain : autant de variations sur les tons latins ..).

La variété

Des groupes spécifiques méritent la plus grande attention, ceux que forment les Géorgiens, les Arméniens, les Syriaques, les Églises d’Érythrée, d’Éthiopie ou d’Égypte… Ces peuples appartiennent encore à d’autres rameaux liturgiques. Mais, à notre connaissance, toutes les familles liturgiques chantent la Parole de Dieu sur la base d’un système de huit tons, diversifiés eux-mêmes en modes. La musique liturgique chrétienne traditionnelle est extrêmement complexe; elle s’enracine dans la tradition juive et dans le chant du Temple ou de la Synagogue. Et les tons de base suivent, selon les Églises locales, des variétés indéfinies. À une époque récente, des communautés éloignées de la Tradition ont admis des instruments de musique (orgue), la gamme tempérée, l’harmonie et même le contrepoint, ainsi que des mélodies indépendantes des tons de base.

Un choix paroissial

Pour s’adresser à des croyants occidentaux et les accueillir dans la communion orthodoxe de la foi ancestrale, il relevait du bon sens de reprendre des mélodies familières à l’oreille des pays d’Europe occidentale. Quand la paroisse Saint-Germain-et-saint-Cloud choisit, pour pouvoir célébrer avec tous les Orthodoxes, le typikon ou ordo byzantin – les divines liturgies selon saint Jean Chrysostome, saint Basile et saint Grégoire, et les offices qui les entourent – il parut de bon sens, ici encore, de célébrer en français dans la musique préparée à partir des formules latines. La partition de la divine liturgie selon saint Jean Chrysostome a été mise en musique selon ce principe par le professeur Maxime Kovalevsky, selon deux versions très peu différentes l’une de l’autre. Un volume extrêmement utile réalisé par le même musicologue s’appelle le Livre des Couronnes: il donne des exemples des tropaires de la Résurrection, des prokimena (praelegenda), des alléluias et des hymnes à la Mère de Dieu (tropaires appelés “théotokia”), précisément dans les huit tons. Mais l’intérêt particulier de cette édition tient au fait qu’on y trouve les exemples liturgiques à la fois dans les huit tons grégoriens et dans les huit tons slaves! La paroisse Saint-Germain-et-saint-Cloud, fidèle à sa vocation occidentale, a adopté les conclusions de ce travail, non seulement pour la divine liturgie, mais pour l’ensemble des offices, en utilisant comme base les modèles hérités du Livre des Couronnes.

Naissance des tons

Pour s’exprimer très brièvement, il faut savoir que les offices chrétiens, surtout dans les milieux monastiques, étaient fondés sur la simple lecture de la Parole, mais une lecture sur une note de récitation – un fa ou un la – favorisant la sobriété de la diction et l’intelligibilité des paroles. Saint Germain de Paris écrit dans les Lettres qui lui sont attribuées, que l’on a développé un chant plus mélodique en raison du grand nombre des fidèles participant aux offices et dont il fallait retenir l’attention. Toujours est-il que les huit tons sont nés d’une lecture recto tono, que l’on utilise beaucoup encore, par exemple pour prononcer le psaume 50 à l’office de matines. Quatre tons se sont dessinés au-dessus de la note de récitation; quatre tons se sont développés au-dessous de cette même note – ce qui fait huit! Il faut se rappeler que, dans les monastères bénédictins, qui doivent beaucoup au travail de Dom Guéranger, la tradition s’était conservée de psalmodier, c’est-à-dire de chanter les psaumes prévus, suivant l’ordre de ces tons, ce qui était d’une grande beauté.

Livres liturgiques

L’Église orthodoxe utilise le principe des huit tons également pour présenter une collection de textes ascétiques et théologiques proposés pour les offices quotidiens: c’est le livre de l’Octoèque (livre des Huit tons), appelé également Paraclitique, parce qu’il contient des prières de supplication, de demande et d’intercession. Chaque semaine suit un ton, en commençant par l’office pascal qui se chante en ton 1, dans un autre recueil, appelé Pentecostaire. Pendant la Semaine radieuse, qui suit la Résurrection, chaque jour utilise un ton, et la semaine présente ainsi l’éventail des huit mélodies. Et, pendant toute l’année liturgique, le cycle des huit tons se reproduit régulièrement, en boucle, toutes les huit semaines.

Apprendre les tons

Pour conclure, précisons que certains tons (certaines mélodies) ont une affectation particulière: par exemple, la mémoire liturgique des saints apôtres se fait avec le ton 3, celle des martyrs sur le ton 4. En principe, l’oreille s’habitue, et reconnaît, sans qu’on ait à regarder une partition écrite, la mélodie et le thème qu’elle suggère. Il est important de respecter et d’apprendre l’ordre des tons tel que l’indique le typikon, quelle que soit la famille musicale que l’on suit: cet ordre favorise la mémorisation. La formation des chantres roumains, par exemple, commence par l’apprentissage des huit tons, selon la tradition byzantine, en l’occurrence. Sans partition, on peut chanter ainsi tous les offices liturgiques, en respectant seulement le ton indiqué à côté du texte à prononcer.

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