“L’Esprit non seulement fait communier aux divers dons dans l’Église, mais Il est présent intégralement en chaque don : Il est actif par lui et Il opère la liaison avec les autres dons. Chaque don réclame les autres dons, parce que, en lui, est le même Esprit, qui maintient dans ce don la tendance à l’unité avec les autres dons. C’est pourquoi chaque personne qui a un don sent que son don est une partie des autres dons, en raison de l’Esprit, qui est en tous.
Une propriété très remarquable d’un membre de l’Église s’appelle « don », non seulement parce qu’elle est donnée par l’Esprit saint, mais également parce qu’elle est appelée à servir les autres, à devenir un don pour les autres. Dans le cas contraire, que ferait l’homme de ce don ? Il l’utiliserait de façon égoïste à l’encontre des autres. Mais de cette façon ce don ne pourrait prendre toute sa valeur et celui qui l’a ne pourrait pas non plus le développer. Par le « don » de l’un, l’Esprit s’adresse à l’autre. Le « don » est non seulement une adresse verticale, mais une adresse horizontale, unificatrice. Par un « don », l’Esprit unit un homme à l’autre, Il en unit de nombreux entre eux, car Il est l’Esprit de tous, Il est l’Esprit de communion (cf. 2 Co 13, 13 et Ph 2, 1).
Ainsi, l’Esprit est présent comme Hypostase unitaire et unificatrice dans toute l’Église, ce qui signifie qu’Il l’est également en chaque membre pris à part, dans la mesure respective où chacun demeure dans l’Église.
Pour cette raison, par chaque « don », une personne accomplit une activité non seulement pour elle-même, mais également pour le tout, ou encore une activité commune aux autres par l’union de son don avec celui des autres, selon les mots de saint Jean Chrysostome, qui dit : « Chacun de nos membres en effet a en même temps une activité propre et une activité commune ; et de même en nous il y a une beauté propre (de chaque membre) et une beauté commune » (Sur 1 Cor., homélie 31). À proprement parler, l’activité elle-même qui est propre à chaque membre est une activité commune, car elle ne pourrait être mise en pratique sans la contribution de tous, ni sans contribuer à l’activité des autres et au soutien et au développement de l’intégralité. Ainsi l’Esprit est présent tout entier par son activité hypostatique unitaire dans les dons et les actes particuliers des diverses personnes dans l’Église.
En vertu de la présence et de l’activité de l’Esprit, comme Hypostase unitaire, dans les dons des divers membres de l’Église, « ces dons, qui paraissent être séparés, s’interpénètrent au contraire strictement et par la destruction de l’un se détruisent également les autres » (saint Jean Chrysostome).
L’Esprit saint est dans l’Église une sorte de liaison et de source dynamiques communes par l’intermédiaire de tous les dons, une sorte d’eau par laquelle germent et croissent les dons véritables de tous ses membres, comme autant de formes de manifestation de la vie divine unie à leur vie humaine. Saint Basile le Grand dit : « L’Esprit saint est souvent appelé lien de ceux qui se sanctifient » (Sur le saint Esprit), c’est-à-dire de ceux qui dépassent leurs limites égoïstes et opposées aux autres hommes et à Dieu, et s’ouvrent avec sincérité et avec pureté à la communication de la vie d’amour sans limite et toute pure du Christ, et, par cela, à des relations d’amour pur avec leurs semblables. L’Esprit saint ouvre l’un aux autres et les fait communiquer.
L’Esprit est le « lien » d’amour de chaque croyant avec Dieu et avec ses semblables, et la source vivante dont jaillissent et croissent dans l’unité les dons de tous les membres, comme autant de formes sous lesquelles peut se manifester leur amour à l’égard de Dieu et à l’égard les uns des autres ; comme autant de formes par lesquelles ils se dépassent eux-mêmes, et dépassent leurs limites individualistes, et réalisent un continuel progrès dans l’unité sans fin de l’amour étroitement lié à la sainteté. L’Esprit saint est ainsi la source de l’amour et comme tel Il ne cesse jamais de nous renouveler et de nous enrichir.
V. Lossky a pensé que l’Esprit saint a une activité distincte de celle du Christ et que cette activité consiste dans l’impression d’une note différenciée en chaque personne de l’Église, tandis que le Christ unifie tous dans l’unité de nature, qu’Il a en commun avec les autres hommes (« L’activité du Christ se réfère à la nature humaine, qu’Il récapitule dans son Hypostase. L’activité du saint Esprit se réfère aux personnes humaines, Il se tourne vers chacune d’elles pour sa part… De la sorte l’activité du Christ unit les hommes, l’activité de l’Esprit saint les distingue » (Théologie mystique de l’Église d’Orient, Aubier, Paris, 1944, p.162-163).).
Mais nous voyons combien les dons particuliers eux-mêmes que les diverses personnes ont sont des canaux par lesquels elles communiquent entre elles, maintiennent et développent entre elles une unité d’amour. Les saints Pères mettent un accent particulièrement fort sur l’activité unificatrice de l’Esprit dans ce sens. Bien sûr, comme on l’a vu, cette activité unificatrice n’annule pas les personnes. Car si c’était le cas l’unité entre elles ne serait plus accompagnée par le sentiment de la joie de donner et de recevoir.”