Temps et vitesse –
Avec la rentrée, à la fois liturgique, professionnelle et scolaire, nous retrouvons le rythme précipité de la vie contemporaine. À peine le mois commencé, nous nous sentons déjà débordés ou en passe de l’être bientôt ! « Je n’arriverai pas à tout faire, à tout gérer…travail, famille, paroisse ! » En fait, la difficulté ne vient pas que de la quantité d’activités ou de responsabilités qui nous incombent ; elle vient beaucoup du rythme suivant lequel nous devons – ou croyons devoir – les assumer. La gestion du temps est liée à cette dimension du temps : la vitesse. Le rapport entre le temps et la vitesse, ou la rapidité, appelé encore rythme, ou tempo musical de nos journées, demande notre attention. Il existe encore une dimension du temps : l’intensité, ou l’importance, la valeur. Tous les moments n’ont pas la même épaisseur, la même profondeur. Tous ne comportent pas non plus la même urgence.
Responsabilité
La revue Psychologies de ce mois propose le dossier « Retrouver du temps » et propose le test « quel est votre biorythme ? » L’apôtre Paul (Éph. 5, 16) parle de « racheter le temps ». Et l’Université d’été de la Métropole orthodoxe roumaine a consacré en août des conférences et des ateliers à une réflexion théologique sur la responsabilité de l’être humain par rapport au temps. Le fond de la question est que le temps est une créature que Dieu confie à l’être humain : celui-ci est appelé à en être le gestionnaire, comme des autres créatures, selon son ministère royal ; il est appelé à le rendre, suivant le mode eucharistique – « ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l’offrons, en tout et pour tout ! » – au Seigneur, c’est son ministère sacerdotal ; et il est appelé à manifester sa créativité en pensée, en parole et en actes cohérents avec la volonté divine, c’est le ministère prophétique que l’être humain exerce dans le temps. Le péché objective le temps et le transforme en chose, en moyen d’assouvir les passions égoïstes. Le temps, par l’usage conscient qu’en fait le croyant, retrouve sa transparence au Créateur.
Le temps d’aimer
Le théologien Dumitru Stàniloae a montré que le temps est la structure du dialogue de la personne divine et de la personne humaine ; il est l’intervalle de la réponse humaine à la sollicitation divine ; il est l’occasion de la manifestation de l’amour. De plus, il est, par l’Incarnation du Fils unique et Verbe de Dieu, habité par la personne divine, qui l’investit d’éternité : le temps appartient au Christ, c’est de celui-ci que nous le recevons, dans la vie liturgique et sacramentelle de l’Église ; c’est avec lui que nous l’offrons au Père, en consacrant du temps à la prière, notamment à la célébration liturgique ; c’est avec le Christ compatissant, que nous donnons du temps à ceux qui attendent de nous de l’amour : les pauvres, les vieillards, les isolés… Le temps est celui de la fraternité divino humaine : celui d’un appel téléphonique, d’une visite, de l’aide apportée à faire des démarches administratives, de l’écoute… Mille façons de consacrer du temps, donc d’agir sacerdotalement pour la sanctification du temps de Dieu…
Les choix
Bien sûr, cela passe par une certaine organisation, par des choix, par l’établissement de priorités : « gérer son temps et ses priorités » ; « votre mission : arrêtez les voleurs de temps ! », étaient les thèmes d’un des ateliers de l’Université d’été – avec ce conseil du Bienheureux Augustin : « si tu veux réussir, limites-toi ! »
Au principe du temps
L’expérience miraculeuse consiste à reconnaître au Seigneur la première place en tout, dans l’organisation de la journée. Perdre du temps pour Dieu ? Non : gagner du temps en le recevant de Dieu qui le crée ! Celui qui commence la journée, et chaque chapitre important de cette journée, par la prière, donne à Dieu, lui rend le temps qui lui appartient, le reconnaît comme Seigneur du temps. Bien plus, il se soumet à l’action créatrice du Seigneur à l’égard du temps. Nous faisons l’expérience d’une sorte de multiplication ou d’augmentation du temps par le Seigneur Lui-même, du moment que nous renonçons à posséder le temps par la précipitation, la suractivité, en prenant la place de Dieu dans la gestion de ce jour. Faisons l’expérience de tout commencer par la prière : nous constaterons que tout devient facile, porté par la grâce incréée, que les priorités se dessinent d’elles-mêmes, la valeur réelle des urgences apparaît, le mode d’emploi de la journée trouve sa hiérarchie naturelle par l’énergie divine que le Seigneur y déverse, parce qu’Il continue à être le créateur du temps, à le faire exister et à le confier à ceux qui veulent faire sa volonté. C’est une expérience et un choix : être asservis à un temps dévorant, monstre insatiable à qui nous ne donnerons jamais suffisamment ; ou recevoir, du Seigneur du temps et de l’espace, la régence et la liberté par rapport au temps comme aux autres lois cosmiques…