Manger la parole –
La méthode la plus ancienne et la plus féconde pour approcher la Parole de Dieu consiste à répéter lentement, mémoriser, ruminer, savourer le texte sacré. Cette « méditation » était l’occupation principale des pères du désert. Le Christ a dit que « l’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur ». La Parole est vraiment une nourriture. Pour cela, il faut qu’elle soit mémorisée, qu’elle descende dans le cœur, loin de rester l’objet d’une spéculation rationnelle. Le disciple assimile les enseignements du Maître ; il se nourrit du Maître lui-même, Parole en personne. Tel Ézéchiel, il mange le message divin.
Apprendre et faire
Bernard et Anne Frinkin ont travaillé sur l’évangile selon saint Marc. Ils ont mis au point la mémorisation grâce à des mélodies (cantilènes) traditionnelles (grecques) et à la mise en œuvre d’un gestuel, et ils expliquent cela dans leur livre “La parole est tout près de toi. Apprendre l’Évangile pour apprendre à le vivre “(Bayard, Paris, 1996) : « La certitude que chacun des évangiles constitue une voie pour celui qui l’apprend en le récitant s’est beaucoup affermie en nous, quand nous avons pu en constater les fruits chez ceux qui pratiquaient. Il est terriblement vrai qu’il ne suffit pas de mémoriser : il faut encore accomplir ce qui est dit. Moïse (parlant de la part de Dieu) avait déjà enseigné cela en disant : ‘La parole est tout près de toi, elle est sur ta bouche / et dans ton cœur / et dans tes mains / pour la faire…’ (Dt 30).
Parole et geste
C’est la rencontre avec la pensée de Marcel Jousse (L’anthropologie du geste) qui a servi de base à ce travail : l’hébreux « dabar » veut dire à la fois parole et geste. Il semble bien qu’en milieu sémitique, les rabbins enseignaient de façon strictement orale, en se balançant pour ponctuer la succession des versets. Et les disciples, par ce même balancement et en imitant les gestes du Maître, assimilent l’enseignement.
Conséquences
Dans toutes les paroisses, on peut développer des groupes de mémorisation de l’Évangile, en se mettant en rapport avec des personnes qui ont appris la méthode et sont habilitées à la transmettre (Hélène Séjournet, Odile Delangle, par exemple). Un tel développement porte des fruits remarquables : une attention bien meilleure à la célébration liturgique ; une formation catéchétique de base, passant par l’expérience et par le cœur ; la redécouverte du mystère eucharistique, précisément comme communion, manducation de la Parole qui dit : « Ceci est mon corps ; ceci est mon Sang ; mangez, buvez ». Un vrai renouveau paroissial est à attendre d’une pratique qui unit tous les âges : parents et enfants peuvent mémoriser ensemble. Et, entre chrétiens de confession différente, la mémorisation de la parole est une vraie communion.