Pas de flagornerie –
De tout temps, le Peuple de Dieu a manifesté sa loyauté à l’égard du pouvoir, tout en montrant la liberté de pensée, d’expression et d’action. Le Messie Lui-même, assumant toute la vision biblique de la société, dit au représentant de César : « tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait été donné d’en haut » (…). La loyauté n’est pas la servilité. La reconnaissance que tout pouvoir en ce monde dépend de la volonté divine n’implique pas une soumission inconditionnelle à l’autorité civile. Dans les premiers siècles, les chrétiens, continuité d’Israël, se sont targués de leur dignité citoyenne. Qu’on relise, par exemple, les écrits de saint Justin le Philosophe. C’est bien parce que ce pouvoir est permis par Dieu que le chrétien a la charge de mettre ceux qui gouvernent devant leurs responsabilités : ils auront à rendre compte devant Dieu de leur gestion.
La prière, pour quoi faire ?
La prière « pour ceux qui nous gouvernent », en les nommant, ne s’interprète donc pas comme une déclaration de soumission inconditionnelle à l’État. Nous croyons que ces personnes ne sont à ce poste qu’avec la permission de Dieu ; nous sommes conscients que l’exercice du pouvoir est extraordinairement difficile ; nous considérons nos gouvernants comme des frères humains capables de faiblesse et d’erreurs, et soumis à des tentations considérables. Nous nous montrons responsables d’eux en intercédant pour eux, pour le pardon de leurs fautes, pour que l’Esprit éclaire leur intelligence et leur inspire ce qui est bon pour notre peuple, comme le dit la sainte Liturgie. Cette prière, louange ou supplication, est une continuelle épiclèse.
L’action citoyenne
Il n’y a pas que la prière. Prier pour les gouvernants, qui sont quelquefois des despotes – épreuve permise par Dieu ! – ne paralyse pas les chrétiens. Au contraire. Il existe une synergie de la prière avec l’action. Nous prions pour des responsables sans être d’accord avec eux sur tout, quelquefois sans avoir voté pour eux ; et nous montrons capables d’interventions loyales et de critiques lucides et sans passion afin que les engagements qu’ils ont pris soient tenus. Les lois mêmes de notre pays, quoiqu’elles soient relatives et strictement humaines, ont leur valeur : elles expriment des formes évoluées de la liberté humaine et exigent la responsabilité mutuelle au sein de la société civile. Il n’est pas étonnant que les mêmes chrétiens qui intercèdent pour leur président et leurs ministres leur adressent en toute liberté des pétitions ou des recours. C’est l’honneur des chefs d’État que de recevoir des citoyens de telles sollicitations.
Le repentir
Une des plus grandes forces de la conscience libre dans la Cité est le repentir. Celui-ci consiste à se purifier de tout jugement à l’égard des personnes et à acquérir le discernement en ce qui concerne les situations, les disfonctionnements ou les déviations graves. Nous ne pouvons jouir du charisme du discernement tant que nous sommes encombrés par nos passions et nos péchés. Le repentir purifie la conscience et libère l’œil de l’âme, cette intuition de la volonté divine et du bien des hommes. Il opère principalement à l’égard de la passion de la peur. La liberté de conscience et d’expression suppose l’intrépidité. Ainsi la prière pour ceux qui nous gouvernent aura une assise solide dans le jeûne et dans la conversion de soi. En changeant nos pensées, ce que veut dire la conversion, nous devenons capables d’être des citoyens plus libres, plus audacieux et capables de bienveillance à l’égard de nos concitoyens pour lesquels, ne l’oublions jamais, le Seigneur est monté sur la Croix.