« “En vérité”, par exemple, quand tu dis : “Que ton Nom soit sanctifié”, veux-tu réellement que le nom du Seigneur soit sanctifié par les œuvres de bien des autres et par les tiennes ? Quand tu dis : “Que ton règne vienne”, veux-tu effectivement la venue du règne de Dieu ? Veux-tu être la demeure de l’Esprit de Dieu, et non la demeure du péché ? Est-ce que tu ne préfères pas vivre dans le péché ?
Quand tu dis : “Que ta volonté soit faite”, est-ce que tu ne cherches pas ta volonté propre plus que celle de Dieu ? Mais si, bien sûr !
Quand tu dis : “Donne-nous aujourd’hui notre pain essentiel”, est-ce que tu ne dis pas dans ton cœur : “Je n’ai pas besoin de demander; j’ai suffisamment sans demander; que les pauvres demandent” ? Ou encore, est-ce qu’on ne cherche pas avidement à avoir davantage au lieu de se contenter de peu, ou de ce que Dieu nous a donné ? Nous ne savons pas remercier Dieu de ce que nous avons, comme nous devrions le faire.
En disant : “Remets-nous nos dettes comme nous les remettons aussi à nos débiteurs”, est-ce que tu ne dis pas : “Dieu sait que je ne suis pas un bien grand pécheur ; il me semble que je ne vis pas plus mal que les autres ; je n’ai pas besoin de demander pardon pour mes offenses ou mes péchés” ?
Ou encore, lorsque tu pries, est-ce que tu n’éprouves pas de l’agacement ou de la colère contre quelqu’un ? S’il en est ainsi, tu mens effrontément à Dieu dans ta prière.
Tu dis :”Ne nous laisse pas succomber à la tentation”, mais est-ce que tu ne te précipites pas vers le péché, sans même avoir été tenté ?
Tu dis : “Délivre-nous du Malin”, mais est-ce que tu ne vis pas en parfaite intelligence avec le Démon, et avec tous les maux dont le démon est le père ?
Prends garde que ta langue ne soit pas en désaccord avec ton cœur; veille à ne pas mentir à Dieu dans ta prière. Garde bien tout cela à l’esprit quand tu dis la prière du Seigneur, ou les autres prières. Observe toujours ton cœur : est-il d’accord avec ce que dit ta bouche ? »
(saint Jean de Cronstadt, « Ma vie en Christ », Spiritualité orientale, n°27, Bellefontaine, 1979, p. 62, avec quelques modifications de forme par nous).