Le mystère de l’Église –
L’Église est le laboratoire dans lequel l’Esprit du Christ nous rend saints, ou nous rend des images toujours plus parfaites du Christ, en qui sont concentrés comme dans une personne la sainteté et l’amour de la sainte Trinité. L’Esprit saint fait cela, et entretient en nous simultanément la préoccupation active de la sainteté. L’Église s’occupe principalement de la sanctification de ses membres, parce que par cela seul ils se sauvent. L’Esprit saint œuvre à la sanctification des croyants à l’intérieur de l’Église, dont la vie intime a le sceau du corps saint du Christ, qu’elle porte dans son sein et dont irradie l’Esprit saint. L’Église œuvre à cette sanctification de ses membres, dans la mesure où elle les maintient tous dans un mouvement mutuel d’amour et de communion.
La renonciation au péché
Sur le seuil de leur entrée dans l’Église, les hommes sont sanctifiés par le Christ dans la mesure où celui-ci les intègre par le baptême, ou encore par son Esprit actif dans le baptême, dans le corps de ceux qui sont unis avec lui-même, c’est-à-dire les unit avec lui-même. Ils ont ainsi la qualité de « saints », car ils sont « lavés » du péché ancestral et des péchés personnels qu’ils ont commis jusqu’à ce moment ; et ils ont également été aidés à décider de sortir de leur égoïsme, de leur vie extérieure à l’infinité de l’amour du Christ et à l’amour qui vient de la communauté de l’Église. Avec sa nature humaine sacrifiée et sanctifiée, libre du péché ancestral, de tout autre péché et de toute tendance au péché, le Christ s’est imprimé en eux par le baptême, dans leur nature, sur la base de leur foi, ou de celle de ceux qui se portent garants de leur foi, laquelle doit encore s’actualiser, donc sur la base de leur foi potentielle.
La sanctification de la personne humaine
[…] Mais la possibilité de se mouvoir librement dans l’infinité de l’amour de Dieu par le Christ, obtenue à nouveau par la volonté contraire au péché, et par l’Esprit du Christ, doit être actualisée dans des faits qui ne sont pas seulement ceux du Christ, ou de son Esprit habitant dans le baptisé : ils sont également ceux du baptisé lui-même. La sainteté est ainsi non seulement un don, mais également une mission, un devoir pour les croyants de l’Église. La sainteté implique en elle-même une tension eschatologique, ou tension vers la perfection de la vie future, comme elle implique également l’unité de l’Église avec Dieu et entre ses membres, perfection eschatologique vers laquelle celle-ci tend elle-même. « La tension dynamique dans l’Église, entre la nouveauté ‘déjà là’ et la nouveauté qui n’est ‘pas encore’, a pour origine le mystère de la présence du Royaume, qui précède en tant que don, mais anticipe également sa plénitude finale » (Paul Evdokimov Paul, La sainteté dans la tradition de l’Église orthodoxe, in La Nouveauté de l’Esprit, « Spiritualité Orientale », n° 20, Bellefontaine, 1977).
Le dynamisme de la sanctification
La sainteté a un caractère dynamique, elle n’est pas une appropriation statique. Dans le Christ, le croyant est mort au passé. Il est tourné toujours en avant, il ne vit plus ni du passé, ni du présent : il vit du futur eschatologiquement parfait ; ce qui fait partie du présent, il le dépasse pour un futur plus parfait. Mais il est toutefois actif au présent, et encore de la façon la meilleure possible, parce qu’il ne peut pas avancer vers les étapes plus élevées s’il ne passe par chaque étape présente de façon qu’elle ne l’arrête pas à elle-même ou ne le fasse retomber dans les étapes qu’il a déjà franchies. Le sacrifice, ou mort avec le Christ, est ainsi une activité permanente du croyant ; et pour l’aider en cela, le Christ se transpose lui aussi dans un état de sacrifice permanent, non pas statique, mais dynamique. Le sceau du Christ qui se sacrifie et ressuscite en nous est donc lui aussi un sceau dynamique.