La visite des mages à l’Enfant de la crèche est un accomplissement et une anticipation : elle parle peu, elle montre beaucoup. C’est une forêt de symboles qui attend l’auditeur. Il prendra un certain plaisir à s’y perdre s’il y découvre en même temps quelque raison de ne pas s’en effrayer. L’univers encore étrange qui s’ouvre devant ses pas a le tranchant des prophètes. Serait-ce lui, le Sauveur que le monde attend ? Tant d’humilité contiendrait-elle tant de force ? Sous l’écorce du signe à regarder se tient la chose à désirer, le salut balbutiant d’une humanité à l’aube d’elle-même.
Deux miracles unissent leur force : la prophétie et l’étoile. Lors de l’invasion assyrienne, huit siècles auparavant, Michée tomba en pleurs à cause de la ruine de Bethléem, car ‘la maison du pain’ était devenue Beth-Léafra, c’est-à-dire maison de poussière. Le prophète annonçait aussi que de cette patrie meurtrie de David, qui avait vu le sacre du jeune berger par Samuel, sortirait le nouveau Messie, là où l’étoile conduisit les mages venus d’Orient. Les deux livres de Dieu, sa Parole dans le Cosmos et sa Parole dans le Mystère, désignent ensemble le fils de Marie.
Les Mages reconnaissent ce que la sage folie du prophète avait prédit et les présents qu’ils apportent sont semblables aux offrandes que les justes font à l’incroyable don de Dieu: par eux, c’est toute l’humanité qui participe à l’œuvre que Dieu est en train d’accomplir.
Ces trois présents symbolisent aussi trois âges de la vie intérieure du disciple. Il y a la myrrhe qui représente la purification de la chair pour l’amour de Dieu. Il y a ensuite l’encens qui représente le sacrifice de louange et la prière. Il y a enfin l’or qui représente ce qui convient au roi, ce que nous avons de plus précieux, le trésor de nos capacités humaines, nos talents. Ces trois présents symbolisent l’abandon à Dieu : au don de la myrrhe se reçoivent la charité, le pardon, la miséricorde ; au don de l’encens correspond la foi ; dans celui de l’or resplendit l’espérance.
Dans cette vision déjà surnaturelle, la figure du roi Hérode prend toute sa force. Il représente le refus des hommes. Tandis que les Mages représentent le mouvement de la conversion, s’incarne en lui, Hérode, le mouvement opposé d’une aversion. Il refuse l’offrande de lui-même. Il s’oppose aux signes auxquels il croit pourtant. Il a peur de perdre ce que son père a usurpé. Il a peur de tout perdre, alors, il a peur de tout, même d’un enfant. Le pouvoir qu’ont les hommes est une illusion redoutable. Ils la préfèrent à toute réalité… et ils s’obstinent à défendre leur illusion jusqu’au dernier souffle.
L’abandon à Dieu, symbolisé par l’or, l’encens et la myrrhe, n’est pas la perte de quelque chose : c’est l’acquisition du plus grand bien – la filiation. Celui qui devient fils ne perd rien puisqu’il est reçu dans un amour qui l’a précédé. Celui qui prend la peine de voir ce que l’Enfant lui montre voudra lui aussi être fils d’un tel Père dont il ne voit que la miséricorde ».