Les injonctions –
Beaucoup d’injonctions sont adressées aux chrétiens. « Faites ceci ! », « faites cela », « ne faites pas cela », « convertissez-vous ! ». Bien sûr, ces commandements sont vénérables quand ils émanent de la bouche du Seigneur. Mais, quelquefois, ils nous mettent dans la perplexité ou le découragement. « Il n’y a qu’à », « tu devrais », « tu aurais dû », « il fallait »… Comment Dieu espère-t-il que nous accomplissions ces préceptes – souvent, de notre point de vue, impossible à réaliser, ou irréels, compte tenu de la vie que nous avons ?
Les pensées
Les Anciens – nous pouvons lire les Lettres de saint Antoine le Grand –, à la suite du Christ (Luc 2,35 ; 9, 47), nous enseignent en premier lieu à avoir conscience des pensées qui parcourent notre esprit et troublent notre cœur. Par « pensées », ils désignent, non des réflexions construites, mais, avant tout, ces suggestions, parfois minuscules qui, comme des flèches, nous atteignent, souvent à note insu, ou en nous prenant au dépourvu. Souvent, nous ne sommes pas bien conscients de ce mouvement continuel. Pour acquérir la conscience de celui-ci, il nous faut un point fixe : ce sera, par exemple, la lecture des psaumes ou de l’Évangile ou la prière du cœur sous une forme ou une autre. Pourquoi ? Pour deux raisons : la volonté de nous concentrer sur les mots de la lecture ou de la prière met en relief l’agitation des pensées ; le contenu de la lecture ou de la prière, se rapportant à la volonté de Dieu, nous permet de situer ou d’identifier ces pensées.
Le discernement
Les Anciens (saint Isaac le Syrien, par exemple) disent que les pensées de notre cœur viennent, soit de Dieu, soit du Diable, soit de nous-mêmes. On reconnaît les premières à leur cohérence avec la Parole, les deuxièmes à leur contradiction de la Parole, les troisièmes, au fait qu’elles sont récurrentes, quelquefois obsessionnelles : elles constituent une habitude, comme une deuxième nature. Le Christ parle des pensées qui viennent de notre cœur (Matt 15, 19). Ces dernières ne sont pas forcément mauvaises en elles-mêmes ; elles sont nuisibles parce qu’elles nous asservissent et conditionnent nos paroles et nos comportements. Souvent, d’un point de vue psychologique, elles révèlent les dispositions de notre inconscient : en advenant à la conscience, elles perdent de leur force.
La conversion
Elle consiste dans un « retournement », au sens propre. Une fois de plus : comment ? Assurons-nous de notre amour pour le Christ et de notre foi en lui : si nous les sentons trop faibles, demandons au Christ de les augmenter : « augmente en moi l’amour pour toi ! viens en aide à mon peu de foi ! » En effet, il n’y a pas d’intérêt à purifier notre esprit si ce n’est par amour pour Jésus Christ. Ensuite, trouvons en nous-même le courage de faire des choix : « non, telle pensée n’habitera pas ou plus en moi » – quand ce sont des pensées contraires à Dieu, des pensées dont nous ne voulons pas ou plus… Pour mettre ce choix à exécution, pratiquons la confession fréquente, avouons (« confessons », veut dire également « reconnaissons devant Dieu et devant témoin ») nos pensées – qu’elles soient perverses ou qu’elles soient apparemment innocentes. Si nous trouvons un père spirituel, disons-lui toutes nos pensées fréquentes ou occasionnelles : celles-ci perdront alors beaucoup de leur pouvoir, parce que nous les aurons distinguées de nous-mêmes ; elles ne vivent que de notre complicité.
Renouvellement
« Renouvelez les pensées de votre cœur », dit saint Paul (Rom 12, 2). Il s’agit de mettre d’autres pensées à la place de celles qui nous obsédaient. Saint Silouane dit : remplacer une habitude par une autre. Comment ? Le choix d’un cœur libre reste fondamental. Ensuite, chaque fois que nous verrons une mauvaise pensée sortir de notre cœur ou, de l’extérieur de celui-ci, venir du démon (qui est « Légion »), remplaçons-la par une pensée divine. Faisons cela de façon systématique. Par exemple, vient la pensée de juger (condamner, exécuter…) autrui : substituons-lui aussitôt une pensée de bénédiction – « gloire à toi pour ton serviteur Untel, Seigneur, gloire à toi ! » Selon certains Anciens (saint Jean Cassien), nous pouvons transformer toutes les pensées en prière et renouveler ainsi notre esprit par l’habitation divine : Dieu est amour ; une pensée d’amour au lieu d’une pensée de mépris ou de haine fait régner le Seigneur chez nous.
Le repentir
Tout ce qui a été dit précédemment est inutile si nous n’avons pas le repentir. Celui-ci ne s’identifie pas avec la conversion et ne traduit pas le terme évangélique de « métanoia ». Le repentir est essentiellement la haine du péché. Tant que nous n’aurons pas, avec larmes, dit, à nous-même et à Dieu, « comment ai-je pu avoir des pensées pareilles ? » – tant que nous n’aurons pas acquis l’horreur de ce qui nous sépare de Dieu, nos efforts resteront purement psychologiques, purement volontaristes, purement humains et, finalement, inutiles pour le Salut. Et nous travaillons au repentir essentiellement par la prière, car le repentir est, non un attribut de l’homme, mais une grâce divine, envoyée d’en haut par le Seigneur miséricordieux.