Le couronnement –
La vie éternelle consiste dans l’union maximale au Christ, union qui préserve toutefois la distinction des personnes ; elle consiste pour chacun de nous à devenir autant que possible, dans ce monde et dans l’autre, ce qu’est le Christ sans devenir qui Il est. C’est pourquoi toutes les étapes, et tous les moments, de la vie de l’homme sont intégrés aux moments de la vie du Dieu Homme, depuis la conception jusqu’à la mort et au-delà, dans la vie future. Nous épousons son humanité déifiée autant que nous le pouvons.
Le mariage, ou « couronnement », est lui-même une « christification », si l’on peut dire, du couple : celui-ci devient à l’image de l’union du Christ et de l’Église, c’est-à-dire de Dieu et de l’humanité. Ce sacrement concerne deux personnes humaines elles-mêmes unies au Christ par le baptême et la chrismation (mot de la même racine que christ). L’union conjugale aura alors le sens sacramentel des noces divino humaines, ce qui transfigure la sexualité. La préparation au baptême des enfants à venir commence en fait au couronnement des parents. Elle commence dès qu’on a, dans l’église, commencé à prier pour les fiancés « qui se préparent au saint mariage » : l’amour des enfants n’est-il pas inclus, explicitement ou non, dans l’amour, même naissant, de l’homme et de la femme ?
La grossesse
La fécondité sera le fruit de cette sanctification du couple et de toute sa vie d’âme et de corps. Elle sera l’exaucement de la prière des époux et l’accomplissement du commandement « croissez et multipliez-vous ! ». Bénie est une union conjugale pleine de tendresse et de respect mutuel : l’égoïsme du désir s’y transfigure par la générosité d’un amour véritable, dans lequel chaque conjoint est prêt à donner sa vie pour l’autre à la première occasion. La conjonction elle-même des âmes et des corps n’est-elle pas, à cette heure sacrée, un tel don de soi à celui ou celle que l’on aime ?
La fécondité et la grossesse seront intégrées au mystère du Christ par la prière de l’Église. Des qu’ils savent qu’ils ont reçu la grâce de la fécondité, que les époux se présentent à l’église et que le prêtre dise, au sein de la communauté, une prière pour eux. Cette invocation consiste déjà à offrir à Dieu l’enfant voulu et donné par lui. On peut lire l’évangile en Luc 1, 41-48. Dès lors, et pendant toute la période de la grossesse, dans chaque office, surtout dans la divine liturgie, au cours de la litanie triple, par exemple, on entendra : « pour les serviteurs de Dieu N… et N… qui attendent un enfant… » ou toute autre sainte injonction en leur faveur. En fait, l’Église entière est, par cela, en gestation d’un nouveau membre.
Au cours de la célébration, ces mêmes époux viendront communier ensemble, éventuellement avec leurs autres enfants et, si possible, les futurs parrains. L’embryon lui-même, conçu dans un tel amour et dans le milieu divino humain de l’Église, ressentira quelque chose de cette intercession et de cette bénédiction, et ceci extrêmement tôt – « le bébé est une personne », suivant le beau titre d’un livre. Le voilà déjà immergé dans la vie de l’Église, plongé dans le fleuve de la parole de Dieu, par l’intermédiaire de ses parents ; le voilà participant déjà à la grâce du saint Esprit qui descend sur les offrandes et, pour la oindre, sur la communauté des fidèles. Le voilà encore irrigué dans le sang de sa mère par le sang du Christ auquel celle-ci communie et qui se transfuse à elle, à tout son corps et à toute son âme. Le temps de la grossesse est un temps pré baptismal : pré immersion, pré chrismation, pré communion.
La quarantaine
La naissance est un évènement miraculeux : encore de nos jours, la mère et l’enfant y frôlent souvent la mort. Le plus tôt possible, le prêtre se rendra auprès des parents pour rendre grâce avec eux pour le don de Dieu. Cette naissance est assimilée à celle du Christ. Si possible, on lit l’évangile correspondant : Luc 2, 7-20 ou, plus bref, Matthieu 2, 11 ; le prêtre lit les prières du sacramentaire qui prévoit également que l’on chante le tropaire de la Nativité. Huit jours plus tard, à la maison cette fois, au milieu de la famille, des parrains et des amis, le prêtre vient dire l’office de l’imposition du nom : si les parents ont choisi le prénom de leur enfant, c’est tout de même Dieu qui nomme sa créature et qui connaît son vrai nom, celui qui sera dévoilé à la fin des temps (Apocalypse 2, 17). On lit le saint Évangile en Luc 2, 21, pour adhérer à l’histoire humaine du Fils de Dieu.
La quarantaine qui unit l’accouchement à la présentation à l’église assure le lien fondamental de la tradition ecclésiale avec le judaïsme et son exigence de purification du sang versé. Elle correspond biologiquement au retour de couches et, d’un point de vue pratique, au besoin qu’ont les parents de vaquer à toutes sortes de soins autour de l’enfant nouveau né. D’un point de vue plus profond encore, on se rappellera que les grands évènements du Salut sont toujours préparés par une quarantaine. Ils sont quelque fois, comme la Résurrection jusqu’à l’Ascension, suivis d’une quarantaine Et le grand évènement est ici l’entrée royale de la femme à l’église, son accueil par la communauté qui glorifie sa maternité. Celle-ci est la forme particulière que prend pour la femme le sacerdoce universel des baptisés.
Pendant les 40 jours, la femme recevra à la maison la visite, les appels téléphoniques, le courrier, non seulement de son prêtre, mais des frères de la communauté, notamment des parrains, et des amis. Ces visites et ces messages seront autant d’occasions de prière et de louange. Son époux participera en son nom à la célébration eucharistique et lui rapportera, rempli de joie, le pain béni et éventuellement l’eau de la grande Bénédiction. La nouvelle maman devrait vivre ce temps comme celui d’une grande grâce, car le Christ Lui-même est venu du désert célébrer la sainte Pâque, et la mère vient a l’église célébrer la Résurrection et y communier.
La présentation
Accueillis à la porte de l’église par le prêtre et toute la communauté, les parents sont accompagnés des futurs parrains, et portent le nouveau né. Les prières dites alors concernent d’abord la mère et son accueil dans la communion ecclésiale. Elles concernent ensuite l’enfant, présente à l’église comme le Christ le fut au Temple le 40eme jour après sa naissance. Puis le prêtre, laissant les parents à l’entrée, reçoit d’eux l’enfant et, accompagné des parrains, le conduit jusqu’aux portes saintes en disant par trois fois : « le serviteur ou la servante de Dieu N… entre dans l’Église … » – littéralement : « est ecclésialisé … » et il le dépose sur les marches du sanctuaire, où la marraine le reçoit. Suivant l’usage grec, il n’entre pas avec lui dans l’autel, tenant compte de ce qu’il n’est pas encore baptisé. Il est clairement exprimé que l’enfant vient de Dieu, est rendu à celui-ci par les parents, et donné à nouveau par le Seigneur, non aux parents, mais aux parrains, qui représentent la communauté ecclésiale et sa responsabilité dans la croissance chrétienne du futur baptisé. Le Peuple chante alors le cantique de Siméon, assimilant l’évènement à la présentation du Christ lui-même. Le prêtre se rend alors à l’entrée de l’église et fait entrer solennellement l’épouse accompagnée de son mari. Il est à remarquer que tout est centré sur elle, comme dans le cas de la Mère de Dieu, comme si la paternité de ce monde s’effaçait devant celle du Père éternel.
La fréquentation de l’église ou catéchuménat
À partir de ce jour, l’enfant présenté sera nommé régulièrement parmi les catéchumènes. Autant que possible, les parents, ou les parrains, le conduiront à l’église le dimanche pour qu’il soit immergé dans la prière liturgique, ce qui le prépare à l’immersion sacramentelle du saint baptême. L’enfant s’habituera ainsi à la communauté, aux chants, aux paroles, aux lumières et aux parfums, ce qui est de toute importance, car le conscience humaine est une conscience incorporée. Au moment de la prière pour les catéchumènes, il serait bien et pédagogique, que le diacre invite les parrains à s’approcher avec l’enfant, et que le prêtre se retourne pour dire sur lui la prière en question. Ensuite le diacre prononce le renvoi des catéchumènes : l’enfant peut effectivement rentrer à la maison, ce qui suit ne le concernant pas.
La catéchèse prévue suppose que les rites ou mystères sont accomplis avec une certaine pédagogie, les paroles prononcées à voix intelligible et les gestes accomplis de manière visible et explicite. La dimension didactique, dans l’Église, suppose toujours le rite : il la précède et il la suit. Il y prépare ou en découle. Mais la dimension liturgique, ou rituelle, ou sacramentelle, est toujours au centre de la transmission dans l’Église de la vérité et de la vie divines. Les ministres (évêques, prêtres et diacres) sont les agents de cette transmission ; les parents, les parrains et la communauté entière coopèrent avec ce qui est transmis par la présence du saint Esprit dans le Corps du Christ. Le prêtre chargé de présider le baptême réunira plusieurs fois les parents et les parrains – et tout membre de la communauté qui le souhaite – pour leur rappeler le sens de leur engagement et la présence du Christ dans tous les sacrements. Tous les fidèles étant des concélébrants des saints mystères, il est normal que l’on prépare avec eux la célébration, afin que celle-ci soit le plus possible une théophanie.