Le malentendu –
Quand le saint apôtre Paul s’est présenté à Athènes, il a été accueilli avec un sourire par les gens qui l’écoutaient, de culture philosophique pour la plupart d’entre eux : la « résurrection » était pour eux une nouvelle doctrine, une nouvelle philosophie, une théorie intellectuelle de plus, parmi toutes les théories philosophiques déjà répandues : « pourrions-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine que tu enseignes ? » (Ac. 17, 19). Et ces mêmes intellectuels, entendant Paul parler de « résurrection » lui ont promis de l’écouter une autre fois ! Ils attendaient une doctrine, et ils ont entendu des faits. Ils se préparaient à un raisonnement et Paul a parlé avec puissance.
La puissance
Pâques n’est pas seulement le témoignage à l’égard des faits et des actions divines, à l’égard de l’extraordinaire action divine qui consiste pour le Dieu Homme à se lever d’entre les morts, à revenir des enfers et à entrer dans la vie éternelle avec l’humanité dont Il est porteur. Et, bien sûr que c’est cela : les chrétiens affirment un fait – le Christ est ressuscité ! Et ils ne développent pas une philosophie ou une théorie religieuse. Mais, le plus important, dans ce que nous venons de vivre, à Pâques et dans la Semaine radieuse qui a suivi, et que nous pouvons continuer à vivre, c’est l’expérience d’une extraordinaire puissance.
Expérience de la grâce
La Résurrection est une déflagration, celle qui fait voler en éclat les portes de l’enfer sur l’icône que nous vénérons ; celle qui a propulsé de l’intérieur la lourde pierre roulée à l’entrée du tombeau. Cette puissance se manifeste dans la célébration liturgique, surtout celle qui anime et transfigure la sainte nuit du shabbat au matin du troisième jour. L’expérience des quarante jours de Carême nous fait atteindre certaines limites de nos forces corporelles et psychiques. Nous connaissons notre faiblesse. Et, c’est précisément dans cet affaiblissement de nos moyens naturels, et dans les limites de nos capacités intellectuelles de compréhension de la réalité, que se produit l’irruption de la force divine de résurrection.
Connaissance de Dieu
Nous connaissons Dieu, c’est certain ; nous le connaissons par expérience. Il faut être membre de l’Église, membre de l’assemblée des baptisés qui célèbrent, qui chantent, qui veillent le tombeau, qui confessent leurs péchés, qui goûtent le pardon, qui échangent un baiser de réconciliation, qui goûtent au Corps très pur et au Sang très précieux du Ressuscité. Qui n’a pas vécu la Pâque chrétienne ne connaît rien que de l’extérieur. Il n’a pas ressenti la force de la Résurrection dans ses propres membres, dans son intelligence et dans son cœur. C’est pourquoi la participation aux offices liturgiques est indispensable : c’est là en effet que le Seigneur se fait connaître avec puissance. Il se donne dans la puissance et la beauté des paroles, comme Verbe illuminateur ; Il se révèle comme énergie, dégagement d’énergie, irradiation de la grâce incréée, comme joie, comme enthousiasme, comme « folie de la Croix », selon la parole de l’Apôtre.
Témoignage charismatique
Et la puissance de la Résurrection qui se dégage dans l’Église est la source de toute la vie chrétienne : elle nous propulse pour aimer, pour pardonner, pour témoigner, pour connaître les mystères de Dieu, pour servir le prochain, pour construire des églises, pour peindre des icônes, pour chanter, pour témoigner de l’Évangile dans le monde, pour dire Non et pour dire Oui à ceux qui nous interrogent, pour parler de Dieu spontanément… La Résurrection pascale, libération d’énergie, atteste à la fois l’action créatrice du Verbe incarné assumant toute cette puissance en sa Personne, et l’œuvre de l’Esprit. La Pâque du Christ est une théophanie de l’Esprit, avant même sa glorieuse Descente de Pentecôte. Ainsi, ce que les chrétiens ont à montrer, au sein de l’Église et à la porte de l’Église, c’est qu’ils connaissent Dieu par expérience, par le vécu que, dans leur faiblesse, ils ont de son énergie créatrice et vivifiante. Et le monde est plus sensible à la dimension charismatique de la foi, qu’à des discours ou des raisonnements.
Force et douceur
La Résurrection nous donne de l’audace, du courage, de l’inspiration, de la force pour être à notre tour communicatifs, comme ces feux qui prennent de branche en branche jusqu’à faire un grand brasier. Les chrétiens sont appelés à retrouver le caractère subversif et explosif de l’expérience de la foi. La résurrection n’est pas une théorie religieuse ou une morale chrétienne : elle est une bombe spirituelle ! Et, en même temps, il y a, dans l’aube pascale, dans cette aurore du troisième jour, dans la naissance du jour nouveau qu’est le Huitième jour, quelque chose de doux, de calme, d’évident, de parfumé, une réalité qui s’impose sans violence et sans bruit, un simple bruit de pas dans le jardin, le pas divin qu’Adam, au Paradis, entendit et que, en Marie Madeleine, près du tombeau vide, il reconnaît …