« La Mère de Dieu est plus unie au Christ que ne sont les saints, supérieure en cela à tous les saints et à tous les anges : elle porta le Fils de Dieu dans ses entrailles, elle le mit au monde comme un homme, puis le porta dans ses bras comme tout nouveau-né, et elle resta unie à lui par cette affection humaine suprême qu’une mère porte à son enfant. Sa relation au Christ est en cela plus intime que celle qui est entretenue par les saints. Le corps du Christ provient directement du sien propre : c’est elle qui l’a conçu, qui l’a porté en son sein, qui l’a nourri, qui l’a aimé de l’amour d’une mère, identifiée en un certain sens à son Fils.
C’est la raison pour laquelle « l’audace » avec laquelle elle s’adresse à lui sera plus grande encore que celle des saints ; et l’amour qu’elle nous porte dévoile l’amour maximal du Christ. L’iconographie orthodoxe, pour la Dormition, présente le Christ qui tient l’âme de sa mère dans ses bras, et inverse ainsi la situation initiale, où c’était elle qui le tenait près de son sein. L’amour qu’Il porte à sa mère est aussi affectueux que celui qu’elle lui porte. L’enfant, quand il atteint la plénitude de ses forces, porte en ses bras sa mère affaiblie. En sa personne, le Christ a senti et sent au maximum l’amour humain à son égard et, dans son affection pour elle, est incluse son affection pour le genre humain en général, à l’égard des mères humaines et pour leur amour à l’égard de leurs fils.
En la personne de la Mère de Dieu, nous jouissons, au ciel, d’un cœur maternel, d’un cœur qui aima avant tout son Fils, qui bat avant tout pour la cause que celui-ci défend, à savoir notre salut, car le salut est affaire, non de justice, mais d’amour entre Dieu et les hommes ; l’amour humain brûlant se voit concentré dans le cœur d’une mère, et se manifeste par lui. Le Dieu incarné tient compte de ce cœur de mère, qui est devenue la nôtre, parce qu’elle est la sienne. Elle est le don le plus précieux fait par l’humanité à Dieu, mais un don que Dieu nous renvoie par ses bienfaits. « Que t’apporterons-nous, au Christ ? Le ciel t’offre les anges, la terre ses fruits. Mais nous, les hommes, nous te donnons la Vierge Mère », chante l’Église pour la Nativité du Seigneur.
[…] On répète sans cesse : « Très sainte Mère de Dieu, sauve nous (sôson imas) ». Jamais en revanche on ne dit : « fais-nous miséricorde » (eleison imas), car la miséricorde n’est demandée qu’à Dieu, avec la foi dans le fait que nous sommes entièrement dépendants de la miséricorde divine. « Sauve-nous », demande-t-on à la Mère de Dieu : nous ne demandons pas d’elle le salut, qui n’est opéré que par Christ, mais seulement qu’elle nous « épargne », qu’elle nous « évite » d’endurer certains maux, dangers, tentations — qui, cela dit, entretiennent un lien direct avec le salut.
Mais si l’on demande tout cela à la Mère de Dieu, c’est parce qu’elle se trouve intimement unie à son Fils : c’est lui qui se trouve en dernière instance être la source de toute l’aide qu’elle nous accorde. C’est seulement parce qu’elle est la Mère du Dieu-Sauveur que l’on peut lui demander directement certains bienfaits, et non parce qu’elle serait elle-même rédemptrice, ou co-rédemptrice (co-rédemptrix, dans certains textes occidentaux) ; elle ne saurait être mise sur le même plan que Jésus-Christ, le seul auteur du salut. »