L’expérience du saint Esprit –
La foi et la prière des chrétiens orthodoxes sont plutôt christocentriques, tendance générale chez les chrétiens notamment en Occident jusqu’à une époque récente. La catéchèse liturgique serait l’occasion de retrouver un équilibre trinitaire dans la prière et dans la vie. On peut inviter les fidèles à sentir la présence de la grâce. La célébration de la divine Liturgie, et des autres offices, se présente comme expérience du saint Esprit, expérience du Christ par le saint Esprit, et expérience du Père par le Fils et par l’Esprit.
L’Esprit et le culte
L’Esprit est le guide de la célébration. Dans la grande prière que nous lui adressons, Il est appelé “Chorège de la Vie” (plutôt que “Donateur de Vie”). Or le “chorège” est celui qui dans l’Antiquité guide une danse sacrée, celle des nymphes, par exemple! Le fait que les fidèles s’ennuient dans les offices ou qu’ils attendent des explications rationnelles de la part de celui qui prêche, ou même que la catéchèse des enfants soit, dans certaines églises, substituée aux moments importants de la célébration, semble indiquer que nous ne pensons pas à cette dimension expérimentale de la connaissance de Dieu, c’est-à-dire à la dimension pneumatologique du culte chrétien. Par notre culture, nous dépendons d’une conception didactique de la connaissance.
La Pentecôte actualisée
Comment faire pour que la célébration soit une grande Pentecôte chaque fois? Intéressons-nous au ressenti: sentiment de présence, sentiment de joie, de repentir, de reconnaissance, de vérité, de bonté, de beauté. L’Esprit est Celui qui rend palpable la présence, la joie, l’exemple, le message, la bonté et la beauté du Christ image parfaite du Père. La sainte communion est un goût, un ressenti, un amour pour le Seigneur et pour les Frères, une joie, celle de la célébration et de notre conscience sacerdotale. Qu’est devenue l’ivresse des apôtres? Avons-nous éteint l’Esprit ?
Ressentir l’amour
Les rites sont des gestes d’amour, des offrandes apportées de tout notre cœur en hommage à notre Christ bien aimé: c’est l’Esprit qui soutient toutes nos offrandes et qui donne à notre cœur tout cet amour, cette tendresse, cet émerveillement, ces larmes parfois d’amour et de joie. Saint Siméon le nouveau Théologien disait “ne communie jamais sans larmes”, ce qui veut dire: que la célébration liturgique ne soit jamais exempte de l’expérience du saint Esprit ! C’est le saint Esprit qui manifeste à nos cœurs l’évidence de la vérité de l’Évangile.
Appeler l’Esprit !
Pour cette raison, toute célébration chrétienne, surtout orthodoxe, est une continuelle épiclèse: « Kyrie eleison! », « Seigneur miséricorde! » Les saints nous ont appris que dans “eleison” il y a “eleos” et “elaion”, l’huile, celle de la grâce du saint Esprit, l’huile de l’onction; et la miséricorde n’est pas un sentiment fût-il divin: elle est la grâce paternelle répandue sur ceux qui croient et sur ceux qui ne croient pas encore! Faites l’expérience de prononcer continuellement “Kyrie eleison!” ou “Seigneur miséricorde !” pendant la célébration et vous sentirez votre cœur se réchauffer et votre esprit s’illuminer. Pendant toute la célébration nous invoquons le saint Esprit, ou bien nous le demandons continuellement au Père, qui nous l’envoie continuellement par le Fils, le Donateur de l’Esprit.
La bonté du Père
Nous ne cessons de solliciter le Père et le Fils pour cette venue et descente de l’Esprit dans nos cœurs: à son tour, c’est Lui qui nous fera goûter à l’amour du Père et du Fils pour nous et pour le monde. Tous les dons viennent du Père par le saint Esprit et dans le Fils. C’est pourquoi, avant chaque prière, nous disons “prions le Seigneur!” et nous appelons ensuite le saint Esprit : “Seigneur, miséricorde!” C’est par le saint Esprit que ce que nous demandons va nous être donné par le Père, parce qu’Il est le Trésor de tous les biens que nous accorde le Père par le Fils. C’est par l’Esprit que le Fils nous vient d’auprès du Père; et c’est par le Fils que l’Esprit nous vient d’auprès du Père.
Importance du ressenti
En tout cela c’est le ressenti qui est important. Nos enfants resteront dans l’Église s’ils y sentent un bien-être, un bonheur, une chaleur, s’ils s’y “sentent bien”, comme les apôtres sur le mont Thabor. L’ennui est le symptôme caractéristique d’une absence, non de l’Esprit, mais de la capacité de ressentir sa présence, sa douceur, sa chaleur et la présence du Christ qu’Il nous fait goûter. A la question “pourquoi les gens s’ennuient-ils pendant la divine Liturgie?”, la réponse n’est pas “parce qu’ils ne comprennent pas” ou “parce qu’ils ne font rien”; la réponse est: “parce qu’ils ne sentent pas l’Esprit saint, et ne sentent pas la présence du Christ, de la Mère de Dieu, des anges et des saints par le même Esprit”.
Prier avant de prier !
Mettons l’accent sur la prière préparatoire, sur la recherche du cœur dans la prière, sur la prière avant la prière. Inutile et nuisible de se lancer dans une célébration si l’on ne sent pas d’abord son cœur, si l’on ne se rend pas d’abord présent par le cœur. C’est pour cela que l’on soigne l’entrée dans l‘espace liturgique: on se prosterne à la porte de l’église, on vénère avec foi le Christ et la Mère de Dieu, on regrette avec larmes ses péchés, on se réjouit avec larmes du pardon du Père. L’avant liturgie est très importante! Elle consiste à invoquer le saint Esprit avant toute autre action. Nous l’invoquons directement en tant qu’hypostase divine, ou nous le demandons au Père qui en est la source unique et qui l’envoie par le Fils. La liturgie est une prière du cœur …