Le réalisme
Un texte historique (à Capharnaüm, un centurion) et psychologique : un officier habitué à être obéi ; l’inquiétude d’un maître pour son serviteur rendu incapable de travailler ; ce militaire voit les choses en militaire, mais il est capable de compassion à l’égard de son domestique – à moins que la maladie de celui-ci le mette simplement dans l’embarras (choix d’interprétation…). Le réalisme est également celui de la foi : pour le centurion, le Christ est Seigneur et Maître de l’univers, et tout est soumis à son pouvoir. D’une façon un peu primaire, il compare le Christ à un général ! Retenons l’esprit de son propos : la seigneurie universelle du Pantocrator.
La méta histoire
La lecture du saint Évangile commence toujours par « en ce temps-là » qui désigne le Moment absolu et supra chronologique où s’accomplissent les actions divines. Au même ordre appartiennent les expressions « Abraham, Isaac et Jacob », personnages situés par leur sainteté dans le temps transfiguré du Paradis, et « Royaume » qui indique le Moment et le Lieu absolus d’une communion parfaite des personnes divines et humaines. Le Royaume est « où » et « quand » règnent l’amour de Dieu et la perfection de sa justice et de sa vérité.Ainsi le texte a plusieurs registres. Le Christ Lui-même apparaît simultanément comme un individu humain historique, membre de la communauté sociale juive de Capharnaüm, perçu comme thaumaturge à l’égal des prophètes, et le Créateur, qui, dans le principe, agit avec le Père et l’Esprit et qui, ici, manifeste sa puissance créatrice en guérissant à distance.
Le Salut des nations
« Fils du Royaume » est une périphrase (importance des figures de style dans l’Écriture) qui désigne ceux qui ont été appelés en premier, c’est-à-dire Israël, première forme historique de l’Eglise ; des non Juifs sont appelés à participer au banquet avec les Juifs les plus fidèles (Abraham, Isaac et Jacob), ils viennent de partout (levant, couchant). La même antinomie Juif-non Juif se trouve dans l’opposition du centurion païen à Israël même. Mais le Christ oppose souvent le méprisé (païen, samaritain, cananéen, prostituée, publicain) à l’élu, pour montrer l’universalité de l’amour de Dieu. Cela n’autorise pas à considérer que l’Église chrétienne est substituée à Israël : au contraire, l’Église ancienne d’Israël s’élargit à l’Église nouvelle – la même – qui inclut les nations, tout comme l’Église initiale du Paradis (elle-même projection de la communion parfaite des personnes divines) s’est prolongée avec Abraham dans Israël. L’ouverture d’Israël aux païens est faite ici par le Christ Lui-même (avant saint Paul, l’Apôtre des nations). Chez les prophètes, ce thème est déjà largement présent : le Messie assume l’enseignement de ceux qui l’ont précédé. Ce qu’il dit de la foi du païen en question constitue également une invitation adressée à son propre peuple d’avoir en lui une « aussi grande foi ». Sans cesse, dans l’Évangile, nous voyons Jésus Christ réclamer cette adhésion d’Israël, car Il est venu, d’abord pour les Juifs, et ensuite pour les autres nations.
L’expérience sacramentelle
La grâce se mesure à la foi. Par exemple, nous communions à la mesure de notre foi ; la foi ouvre un espace intérieur dans lequel peut venir la grâce de Dieu et Dieu en personne. Ceci explique l’importance accordée à la démarche eucharistique comme approfondissement de la foi en vue d’une véritable et pleine communion. En lui-même, le Seigneur est sans limite ; mais nous lui mettons les limites de nos péchés et de notre manque de foi : « qu’il t’advienne selon ta foi ! ». D’où une prière, par exemple : Augmente en moi la foi en toi !