[…] Jésus s’est montré Dieu admirable, dans la mesure où Il s’est montré la créature la plus humaine. D’un point de vue, Il est apparu pleinement intégré dans les conditions de la vie humaine, mais d’un autre, Il dépasse les limites de cette vie, et accomplit non seulement les actions humaines, mais également des actions plus hautes que le monde. Il a eu faim, Il a eu soif, Il a eu besoin de dormir, Il a enduré des douleurs physiques, l’incompréhension de ses semblables selon l’humanité. Il s’est humilié plus que tous par sa fréquentation des publicains, des opprimés et des humiliés de la société ; mais Il ne s’est pas laissé écarter de l’amour parfait, Il n’a pas envié, Il n’a pas protesté, quoiqu’Il ait semoncé les injustes, les hypocrites, les fourbes, les violents, sans leur fermer toutefois la voie du Salut, la voie du retour à l’humanité véritable ; Il a prié pour tous et Il a accompli et pouvait accomplir n’importe quel acte par une puissance plus haute que celles de la nature et des hommes.
Qui aurait pu inventer un tel homme : aussi authentique et à la fois aussi merveilleux ? N’importe quelle fantaisie est tentée de développer l’image qu’elle décrit dans une direction, ou dans la direction opposée, et elle ne peut jamais présenter un être humain aussi pur, aussi totalement dévoué, aussi inaccessible à l’ombre ou à quoi que ce soit qui affaiblit la lumière plénière de l’humanité parfaite.
L’image de Jésus est une image historique, par le fait qu’elle se concilie dans son authenticité profonde avec son humanité véritable, et par le fait qu’elle n’aurait pas pu être construite par une fantaisie dans cette véritable perfection qui est la sienne.
Par l’enseignement qu’Il nous a donné, Il n’a fait que traduire son humanité parfaite, étant donnée son unité ontologique et spirituelle avec la nature divine ; et, par la forme cristallisée de cet enseignement dans les commandements, Il appelle, en sa qualité de Dieu, les humains à le suivre, et Il leur promet dans ce but son aide dans leurs efforts : Apprenez de moi, car Je suis doux et humble de cœur (Mt 19, 22). Son enseignement est parfait dans tous ses préceptes, dès le début ; rien ne peut en être enlevé, ni y être ajouté. C’est parce que Lui-même, en tant que Sujet qui se traduit dans cet enseignement, est parfait. Mais, dans le même temps, cet enseignement est la seule voie qui se démontre obligatoire à suivre pour nous, l’unique voie de perfection, et également une voie possible à suivre. Et cela prouve à nouveau l’historicité de Jésus, en même temps que son unicité. Il se révèle par cela également l’enjeu de notre humanité, mais un enjeu réel, non pas fantaisiste, un enjeu qui correspond aux réalités auxquelles aspire l’humanité.
Il est venu, non pas altérer la Loi, qui est la loi divine et en même temps la loi de notre nature (cf Rm 2, 14), mais l’accomplir (cf Mt 5, 17), c’est-à-dire demander aux humains d’aller plus haut vers la cible de leur accomplissement en tant qu’humains, cible en laquelle Il se trouve. Le joug de ces commandements est facile, parce qu’il correspond aux aspirations humaines les plus authentiques, et celui qui le prend et le porte, trouve le repos véritable de l’âme, parce que ce joug libère l’être humain des blessures et des malheurs qui le tourmentent (cf Mt 11, 29). Ainsi se rencontrent la grâce et la nature, si nous comprenons par nature l’être véritablement humain, qui est ouvert au dialogue avec Dieu et s’élève en lui pour s’y accomplir. « En gardant la loi de la grâce, nous vivons la loi de Dieu inscrite dans notre être », dit saint Maxime le Confesseur (Lettre II, à Jean le Cubiculaire, P.G., 91, 390 D). […]