Acquérir la sagesse –
Par l’amour que les saints ont porté à Dieu à travers tout ce qu’ils ont souffert pour son Nom (quand Il mène dans l’affliction ceux qu’Il aime, mais sans jamais s’éloigner d’eux), leur cœur parvient à la liberté de le regarder sans voile et de le solliciter en toute confiance. Grande est la puissance de la prière quand l’homme est libre devant Dieu. C’est pourquoi Dieu permet que les saints soient éprouvés par les afflictions. Ils reçoivent alors l’expérience de son secours et de l’attention qu’Il leur porte. Car à travers leurs épreuves ils acquièrent la sagesse. Ils échappent ainsi à l’ignorance et ne sont pas sans pratiquer l’ascèse du bien et du mal. Ils atteignent par cette expérience la connaissance de tout et ne sont pas joués par les démons. Car s’ils n’avaient que la pratique du bien, il leur manquerait d’être exercés dans la connaissance du mal, et ils combattraient nus.
La liberté
Mais si nous disons que Dieu les enseigne sans leur faire connaître le mal, nous affirmons qu’Il veut qu’ils soient comme les bœufs et les ânes, lesquels n’ont aucune liberté. L’homme ne peut goûter le bien s’il n’a pas été d’abord éprouvé par l’expérience du mal. Car alors quand il rencontre le bien il s’y adonne en toute connaissance et en toute liberté, comme à une réalité qu’il lui a fallu acquérir. Combien douce est la connaissance qui vient de l’expérience et de la pratique des œuvres, et quelle force elle donne à celui qui l’a découverte en lui après une longue épreuve, le savent ceux qui en toute certitude ont reçu l’énergie de cette connaissance : la faiblesse de la nature et le secours de la puissance divine.
L’humilité
Car ils parviennent à connaître, quand Dieu leur a d’abord enlevé sa propre puissance, quand Il leur a donné de sentir les faiblesses de la nature, la difficulté des épreuves et la malice de l’ennemi, et quel est leur adversaire, et de quelle nature ils sont revêtus, et comment ils sont gardés par la puissance divine, et combien ils ont avancé, et combien ils se sont élevés en elle, et comment ils sont faibles devant toute passion dès que cette puissance s’éloigne d’eux. C’est ainsi qu’ils acquièrent l’humilité, qu’ils approchent Dieu, qu’ils attendent son secours, et qu’ils persévèrent dans la prière. Mais d’où ont-ils reçu tous ces dons, sinon de l’expérience de tant de maux dans lesquels Dieu a permis qu’ils tombent ? L’Apôtre le dit : « Pour que je ne sois pas enflé d’orgueil à cause de l’excellence de ces révélations, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan » (1). Mais on acquiert aussi au milieu des épreuves une foi sûre, grâce à la longue expérience qu’on a du secours divin. On cesse alors de craindre et on a confiance. Car on est exercé.
S’exercer
L’épreuve est bénéfique à tout homme. Car si l’épreuve a servi Paul, toute bouche sera fermée, et le monde sera jugé par Dieu. Ceux qui combattent sont éprouvés, pour ajouter à leur richesse ; et ceux qui se relâchent sont éprouvés, pour se garder de ce qui leur nuit ; de même ceux qui dorment, pour se préparer au réveil ; ceux qui sont loin, pour approcher Dieu ; et ceux qui sont dans la maison, pour y demeurer en toute confiance. S’il ne s’est pas exercé lui-même, aucun fils ne peut recevoir comme une aide la richesse de la maison de son père. C’est pourquoi Dieu commence par éprouver et par affliger, puis Il révèle sa grâce. Gloire au Maître qui par d’âcres remèdes nous a donné les délices de la santé !
L’aide de Dieu
Il n’est pas d’homme qui ne soit accablé au temps où il s’exerce. Et il n’est pas d’homme auquel ne parait pas amer le temps où il boit le venin des épreuves. Mais sans les épreuves il n’est pas possible d’être vigoureux. Toutefois il ne nous appartient pas de les supporter nous-mêmes. Comment le vase de terre peut-il garder l’eau qu’on lui confie, si ne l’a pas durci le feu divin ? Si nous nous soumettons, si nous demandons humblement, patiemment, sans jamais cesser de désirer, nous recevons tout dans le Christ Jésus notre Seigneur : Amen !
Isaac le Syrien (7ème siècle) : Œuvres spirituelles, 48ème discours. DDB, Paris, 1981, p.267.