La chronologie assumée –
Le 1er janvier, la tradition liturgique fait mémoire de la circoncision de notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus Christ. Le saint Évangile rapporte les faits : « … les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé. Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l’enfant, on l’appela du nom de Jésus, comme l’ange l’avait appelé avant sa conception » (Luc 2, 20-21). On écoute ensuite le récit de la présence de Jésus à l’âge de douze ans dans le Temple, enseignant les anciens (40-52), « croissant en âge et en sagesse », assumant humblement le développement d’une personne humaine, Lui qui est une personne divine.
Renouvellement de l’Alliance
On sait que la coutume juive (berith mila, « alliance de la circoncision ») remonte à l’Alliance de Dieu avec Abraham (Gen. 17, 11-12). Que le Dieu Homme se soit soumis à cette tradition indique son inscription dans un peuple particulier, le Peuple de Dieu, son peuple, en réalité, dont Il veut suivre les coutumes et renouveler l’Alliance. Le Verbe incarné est cohérent avec lui-même en obéissant à la loi qu’Il a Lui-même donnée à son ancêtre selon la chair. C’est Lui en effet qui parle à Abraham : « Voici mon alliance que vous garderez entre Moi et vous, c’est-à-dire ta descendance après toi : tous vos mâles seront circoncis, ce qui deviendra le signe de l’Alliance… » ; par le singulier « ta descendance » Il se désigne lui-même. Le Seigneur Jésus Christ commence sa vie parmi les hommes en se montrant obéissant à la Loi. Dieu ne peut être trouvé en contradiction avec lui-même. Ce faisant, Il honore à jamais le peuple juif et la tradition abrahamique dont il est porteur. Jésus le Messie est humainement le descendant des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, et Il est leur Dieu.
Jésus, homme véritable
La circoncision atteste l’humanité véritable de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai Homme. Les gouttes de sang qu’Il verse en ce jour annoncent la grande hémorragie de la Croix en sa glorieuse Pâque. Cela veut dire que le Christ n’est pas un héros mythique, un surhomme de légende : Il est un homme véritable, situé dans l’Histoire, marquant ponctuellement le temps qu’Il a créé, comme Il marque l’espace en séjournant dans des villes réelles : Bethléem, Nazareth, Capharnaüm… À toutes les époques, les mouvements gnostiques ou néo gnostiques prétendent nier l’historicité de l’Évangile et de la personnalité de Jésus Christ. Toutes les formes d’hérésies ont tendu à diminuer ou sa divinité, ou son humanité, ou sa réalité historique. Mais la circoncision donne précisément du poids à l’Histoire.
La masculinité transfigurée
Le rite de la circoncision présente encore une profondeur : il souligne la masculinité que le Verbe a voulu assumer par l’Incarnation. Jésus Christ n’est pas un androgyne asexué ou bisexué. L’homme vierge qu’Il est, le moine, le grand ascète du désert dans la lignée des prophètes Élie, Élisée et, tout proche de lui, Jean le Précurseur, est un homme véritable. Sa sexuation, soulignée par le port de la barbe, est réelle, même si elle est voilée par pudeur dans l’iconographie : elle ne peut être niée sous peine d’appauvrir l’humanité du Fils de Dieu et Fils de l’Homme. Transfigurant la sexualité par la virginité monastique et la consécration de son sexe, le Verbe incarné est homme véritable : Il nous donne sur son icône l’image de la masculinité et de la virilité transfigurées, et l’image fidèle du Père et de sa fécondité divine.
Le dépouillement glorieux
Enfin la circoncision manifeste un caractère typique du Seigneur Jésus : l’abnégation. Le retranchement d’une partie de sa peau est cohérent avec le retranchement de sa volonté propre. Le Christ a voulu ce que veut le Père. Il se soumet par abnégation à ce sacrifice, comme Il se soumettra à ses parents dans l’évangile que nous lisons aujourd’hui (Luc 2, 42-51), et comme Il le fera bientôt en acceptant d’être immergé dans le Jourdain par le Précurseur, et en choisissant finalement la Croix. L’abnégation que l’apôtre Paul appelle « kénose » (Phi.2, 7) est un dépouillement volontaire de la gloire. Le Seigneur du ciel et de la terre se comporte comme « Monsieur tout le monde », un Juif parmi les Juifs. Il devra sa gloire à son abnégation suprême sur la Croix. Le paradoxe du Verbe incarné est qu’Il est glorifié dans l’humilité.