La fête de tous les saints (Toussaint) – 1er novembre –
La Toussaint doit son origine à la dédicace de l’ancien temple païen du Panthéon, à Rome, en église de Ste Marie et de tous les martyrs, en 609, par le pape Boniface IV, qui y fit transférer un grand nombre de reliques de martyrs provenant des Catacombes. La date primitive était probablement le 13 mai, qui correspond à celle d’une fête de la Toussaint en Syrie à la même époque. L’anniversaire de cette dédicace deviendra la Toussaint, telle que nous la connaissons. Mais,en Angleterre puis en Gaule, la fête sera translatée au 1er novembre à la fin du 8ième s. et, selon le célèbre hagiographe Adon (archevêque de Vienne. 799-875) elle serait devenue universelle en Occident (c’est-à-dire dans l’Empire carolingien) sous Louis le Pieux (+ 840).
En Orient, la fête de tous les saints (qui n’est jamais appelée « Toussaint », expression exclusivement occidentale) est le 1er dimanche après la Pentecôte (1). Mais elle passe quasiment inaperçue, car il n’y a pas de liturgies du sanctoral en Orient : les saints sont vénérés dans l’office divin, et donc presqu’uniquement dans les monastères, essentiellement dans les stichères des Vêpres et dans les tropaires du canon des Matines (Orthros) ou dans des « molébènes », qui sont des offices propres, liés à certaines circonstances (2). Les Vêpres et Matines du 1er dimanche après la Pentecôte (3) comportent de beaux textes sur les saints, mais sont très peu suivies par les fidèles.
La commémoration de tous les défunts – 2 novembre
En Occident, la commémoration universelle des défunts a été instituée par St Odilon de Cluny en 998 (4), et donc à l’époque de l’Eglise indivise, et elle a été expressément placée le lendemain de la Toussaint, car tous les défunts sont des saints à venir. A l’origine, il ne s’agissait que des défunts de l’ordre de Cluny (5), mais cet usage passera petit à petit dans le reste de l’Eglise, dans les cathédrales et les paroisses. Cette « fête » aura une audience immense, car le culte des défunts est probablement le rite le plus ancien et le plus universel de toutes les religions, depuis la chute de l’Homme. Tous les êtres humains, toutes les grandes civilisations ont cru à une vie de l’âme après la mort. Cela devint naturellement beaucoup plus fort chez les Chrétiens, en raison de la Résurrection du Christ, qui nous sauve de la mort éternelle, nous rouvre les portes du Paradis (le Royaume de Dieu) et permet à l’Homme d’accomplir à sa véritable destinée, qui est la déification. Le Christ est le seul à donner un avenir à l’Homme. On peut même dire qu’elle fut et qu’elle demeure la fête la plus universellement suivie en Occident. Même ceux qui, sous l’influence de l’athéisme philosophique – issu de la Réforme – puis des soi-disant « Lumières » – qui furent en fait des ténèbres spirituelles – puis de l’idéologie de la Révolution française – violemment anti-chrétienne – et enfin de l’idéologie marxiste et du communisme, se sont éloignés de l’Eglise, même eux vont « fleurir les tombes » de leurs familles. Le Saint-Esprit est merveilleux, car il leur fait accomplir un geste prophétique : fleurir une tombe, c’est offrir des fleurs aux défunts qui y sont enterrés en leur disant : vous allez refleurir, vous allez retrouver la vie, la beauté et le parfum. Nos frères d’Orient, qui nous ont permis de retrouver la foi orthodoxe de nos Pères, nous ont appris à mettre aussi sur nos tombes une veilleuse, la lumière de la Résurrection. Qu’ils soient bénis !
Dans cet office, qui est de style et d’ordo occidental, il y a deux trésors liturgiques : le « psaume ecclésiastique », tiré de l’Ecclésiaste (Qohélet), à la beauté tragique, trésor occidental, et les « strophes des défunts » (6), composées pendant la révolution russe par un évêque martyr (mort dans un camp de concentration ) et recueillies par le monastère St Job de Potchaïeff (7), trésor oriental, mais, hélas, rarement chantées dans les paroisses de rite byzantin.
Il n’existe rien d’équivalent en Orient, car, dans le cycle hebdomadaire du rite byzantin, tous les samedis sont consacrés à la prière pour les saints et les défunts, mais avec des temps forts : la veille de la Pentecôte, la veille du Carnaval (3ème dimanche du Pré-Carême), les samedis des 2ème, 3ème et 4ème dimanches du Carême, ainsi que le mardi de la 2ème semaine après Pâques, le 29 août (martyre de St Jean Baptiste), et le samedi avant la St Dimitri [26 octobre]. Cela signifie que cet office est très « dilué » dans l’année liturgique et n’a donc pas le même relief qu’en Occident.
Père Noël Tanazacq
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(1) Outre l’usage syrien du 13 mai, un calendrier de Nicomédie du 4ème s. la mentionne le vendredi pascal et nous savons que St Jean Chrysostome la célébrait le 1er dimanche après la Pentecôte.
(2) Un molébène comporte toujours des litanies, des lectures, des prières sacerdotales, des hymnes (d’action de grâces) et parfois un canon.
(3) Selon l’usage slave : Vêpres et Matines soudées en un office de « Vigiles », célébré le samedi soir. Selon l’usage grec (suivi par les Roumains) : vêpres le samedi soir et Matines le dimanche matin, avant la liturgie.
(4) Selon le DACL, et bien que l’on donne d’habitude la date de 1030
(5) L’Ordre de Cluny fut fondé en 910, en vue de réformer les Bénédictins. Les moines clunysiens furent de remarquables liturges.
(6) Publiées, longtemps après leur introduction par l’évêque Jean dans l’office du 2 novembre, sous le nom d’ « Acathiste des défunts » par le monastère de St Antoine le Grand.
(7) En Tchécoslovaquie, une des terres d’accueil des Orthodoxes russes chassés de leur pays par les communistes.