Un appel ancien –
Nos Pères ont toujours, à la suite de notre Maître le Christ, encouragé à la prière fréquente ou même continuelle : ils en ont donné l’exemple. La phrase la plus connue est celle de l’apôtre Paul : « priez sans relâche » (1 Thessaloniciens 5, 17). Mais l’injonction est là : Siracide 18, 22 ; Luc 18, 1-8 et 21, 36 ; Marc 13, 33 ; Colossiens 1, 9 ; 2 Thessaloniciens 1, 11. Le peuple de Dieu est par excellence le peuple qui prie, qui célèbre, qui supplie, qui intercède et qui loue. Les baptisés, héritiers de la Bible, sont des hommes et des femmes de prière.
L’état naturel
La prière est l’activité la plus naturelle du monde. Si l’homme cesse de respirer, il meurt ; à l’inverse, on constate sa mort, en constatant qu’il a cessé de respirer ! Il est naturel, depuis l’état paradisiaque, de respirer de la même haleine que notre Créateur. La vie naturelle serait un bouche-à-bouche divino humain ininterrompu. « Vie et Haleine mienne ! », dit une hymne de saint Syméon le Nouveau Théologien. Cela nous paraît étrange… La prière est devenue, par déchéance de l’état primordial, une activité surajoutée, voire une option, un mode d’être réservé aux saints, en tout cas une activité à laquelle nous consacrons seulement quelques minutes, quelques heures, au lieu d’y être engagés continuellement.
La connexion divino humaine
« Restez connectés ! », lisons-nous sur nos écrans. Précisément, la prière est une question de connexion. « Tiens, je n’ai pas prié depuis une heure, ou depuis cinq minutes ! » C’est le constat d’un état débranché. La prière consiste à nous maintenir en communication continuelle avec notre Maître : nous lui parlons de tout et Il répond, comme Verbe ou comme Esprit, par des messages, des idées, des inspirations, des suggestions cohérentes avec l’ensemble de sa parole, surtout le saint Évangile. Et cet état prolongé selon nos forces forme et instruit notre être intérieur, comme le travail régulier de l’instrument permet au violoniste d’améliorer le son ou le phrasé de son jeu. D’une certaine façon, la prière, sous une forme ou une autre, est un art et un métier.
L’émergence de la personne
Or, cet état de connexion, et, plus fort encore, de communion, nous fait bénéficier, non seulement des suggestions divines, mais de la grâce incréée. Celle-ci vivifie tout notre organisme : l’intelligence, l’âme psychique, la sensibilité du cœur, les sensations du corps. Il se passe, grâce à l’état naturel que nous procure la prière de foi, une transformation de toutes nos facultés. Et surtout, comme l’a enseigné saint Sophrone le Nouveau, notamment dans Sa Vie est la mienne, notre personne, notre identité profonde, finit par émerger, dans la rencontre avec la personne divine à laquelle nous nous adressons. La prière est un dialogue, une coïncidence, de personne divine à personne humaine ; la conjugaison de la volonté humaine avec la volonté divine ; et bientôt une union sans confusion, une véritable synergie des personnes ou hypostases. Nous en avons l’exemple dans la prière du Sauveur, notamment à Gethsémani, et dans d’autres passages de sa vie (par exemple Jean 17).
La synergie avec le Maître
L’insistance sur la prière se comprend par le fait que l’essentiel de la vie humaine consiste dans la coopération avec Dieu. C’est cela que nous avons à faire. Le reste – le comportement juste, la pensée, la connaissance, la compassion pour le monde, la culture elle-même – en découle. La prière est l’activité par laquelle l’Esprit saint nous est donné par le Fils pour nous transformer en lui. Par la prière, nous devenons des fils et des filles du Très-Haut. Pour l’époque où nous vivons, et pour celle qui arrive, c’est par la prière que l’homme sera le plus utile au monde. Par la prière, il soulèvera des montagnes. Croyons en la réalité de la prière qui n’est autre, en fin de compte, que la puissance de la foi exprimée et traduite en supplication et en louange.