Il n’est pas rien d’être chrétien –
La parole évangélique, cher Frères et Sœurs, nous rappelle aujourd’hui notre raison d’être dans l’Église, notre raison d’être chrétien, de demander le baptême pour nous et pour nos enfants, le couronnement de notre mariage – le motif essentiel de notre participation à la vie sacramentelle et surtout à la sainte Eucharistie. Il n’est pas anecdotique d’être chrétien. Être chrétien ne consiste pas à adhérer simplement à une doctrine, à suivre une idéologie religieuse, à nous conformer à une morale, à accomplir des devoirs religieux et rituels. Tout ceci n’est pas si mal ; mais ce n’est pas en cela que consiste la sainte Tradition communiquée par le Christ aux Apôtres et aux Pères.
Écoute, Israël !
Comme l’enseigne le Seigneur et Sauveur Jésus Christ, être chrétien consiste essentiellement à écouter la parole de Dieu et à la garder. Il le dit lui-même dans un grand nombre de passages du saint Évangile : « Écoutez et comprenez ! » (Mathieu 15, 10) ; « quiconque vient à moi écoute mes paroles » (Luc 6, 47) ; « heureux, oui, celui qui écoute la parole de Dieu et qui la garde ! » (Luc 11, 28). L’Église elle-même se constitue à partir de l’écoute, parce que le peuple de Dieu est celui qui écoute sa parole. Le Christ, qui est la Parole en Personne, le dit encore : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Luc 8, 21). C’est du reste l’invitation expresse du Père céleste quand Il parle de son Fils et Verbe, le Seigneur Jésus : « Voici mon Fils bien-aimé en qui Je me reconnais : écoutez-le ! » (Matthieu 17, 5 ; Marc 9, 7 ; Luc 9, 34). Et la Mère de ce même Fils unique et Verbe de Dieu nous le dit également : « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ! » (Jean 2, 5).
La Vierge enceinte de la Parole
Les saints de tous les temps nous donnent l’exemple de l’écoute de la Parole, de son assimilation et de sa mise en pratique. Le christianisme n’est pas autre chose, et, en cela, il est dans l’héritage direct de toute la tradition biblique. Chrétiens, nous sommes des Juifs spirituels, écrivait Simone Weil, parce que notre tradition consiste à écouter la Parole, à la mémoriser, à la réciter et surtout à la mettre en pratique. C’est cela qui fait de nous des membres vivants de la Parole faite homme, le Seigneur Jésus, Lui qui est l’Incarnation de toute la tradition biblique et juive. L’écoute et la pratique de la parole fait de nous des « disciples » à l’image de la première disciple parfaite qui est la Mère de Dieu. C’est elle par excellence qui a intégré la Parole dans tout son être, qui en est devenue enceinte et qui l’a mise au monde.
La vie de disciple
L’Esprit saint nous invite donc en ce jour à nous relever si nous avons été négligents ; à reprendre notre itinéraire de disciple ; à suivre le Maître qui est la Parole en chair et en os. Chaque jour, nourrissons-nous du saint Évangile et des psaumes : c’est le « pain essentiel », le « pain substantiel », le « pain quotidien » que nous demandons au Père céleste et qu’Il nous donne sans retenue. Saint Jean Chrysostome le rappelle : Dieu aime tellement le monde qu’Il donne sa Parole, son Verbe, son Fils unique, « pour que tout homme qui croit en lui, au lieu de périr, ait la vie éternelle ! » Cette Parole et ce Verbe divin et Fils du Père céleste se concentre en son Nom, celui de Jésus que nous disons sans nous lasser, qui imprègne les profondeurs de notre conscience, qui rejoint la personne insaisissable que nous sommes, en amont de notre corps, de notre âme, de notre personnalité, et de tout ce qui, finalement, n’est pas nous.
La christification de l’existence
Mais, comme vous le savez très bien, c’est tout particulièrement dans la sainte liturgie que nous nous constituons disciples du Maître, le Fils et Verbe du Père. C’est dans la célébration des saints mystères que nous nous engageons dans une écoute approfondie, dans la mémorisation et l’assimilation de la Parole : nous la buvons de toutes nos oreilles, nous l’assimilons dans notre écoute par le meilleur de notre attention, en la redisant pour la mastiquer en quelque sorte, pour la métaboliser dans tout notre être.
Et, sommet de tout, sublimité de l’écoute, la communion eucharistique est le repas de noces dans lequel nous consommons le Verbe fait chair et sang. Et, non seulement nous l’assimilons, mais, comme l’ont dit certains Pères, nous nous assimilons à elle ! Ainsi être chrétien consiste à écouter la Parole et à devenir cette Parole, à devenir nous-mêmes des porteurs de cette Parole, « christophores », et des christs par le saint Esprit !
(a.p. Marc-Antoine)