Goûter la Pâque –
Nous entrons progressivement dans la sainte période du Carême, que nous attendions impatiemment parce qu’elle est le printemps de l’âme, la jouvence de la foi, le renouveau de la grâce baptismale et la santé de l’âme et du corps. Tout le cycle de l’année annonce ce temps de catéchuménat pour les uns, inscrits pour le baptême proche, de remise à niveau en quelque sorte pour les autres, les baptisés que nous sommes. Le temps après la Pentecôte nous a préparés à nous présenter devant les portes saintes de ce temps béni. Ce n’est pas sans la grâce du saint Esprit, en effet, que l’homme vient goûter la Pâque du Seigneur. Ce n’est pas sans cette grâce que nous nous disposons à communier à ce même Esprit dans l’Eucharistie pascale où nous consommerons le corps du Verbe incarné et ressuscité par l’Esprit, et nous boirons le sang de Dieu saturé de la « ferveur du saint Esprit ».
Préparation pascale
Le temps après Pentecôte, que nous connaissons comme fruit de la Pâque, peut être envisagé comme la culture de cette même Pâque, pour ceux qui sont déjà baptisés, souvent depuis l’enfance – et il est également un temps avant la Pentecôte – l’Esprit appelant l’Esprit ! Le Verbe Lui-même nous avertit. Si nous restons encombrés par l’amour de nous-mêmes, nous n’aurons pas part à la joie pascale de l’Esprit. Si nous nous élevons nous-mêmes dans la fierté de nos certitudes religieuses, et de nos pratiques légales et morales, l’Esprit ne nous fera pas monter avec le Fils à la droite du Père. L’« élévation » dont parle ici le Sauveur est l’exaltation, non seulement dans la dignité de fils, mais dans la réalité filiale qui vient de l’Esprit et dont parle saint Jean dans son prologue inspiré : à ceux qui croient en son Nom, le Verbe « a donné la liberté de devenir enfants de Dieu ».
L’ascèse de l’humilité
Le Christ, avec sa pédagogie habituelle, choisit d’abaisser celui qui est justement élevé – le Pharisien – et d’élever celui qui est à juste titre méprisé. Ce renversement des valeurs, ou cette remise à niveau des valeurs, correspond à l’enseignement de la très humble Mère de Dieu : « Il a dispersé ceux qui s’élevaient dans les pensées de leur cœur. Il a renversé les puissants de leur trône et Il a élevé les petits ». Ceux qui sont à juste titre respectés sont déstabilisés ; ceux qui sont à juste titre méprisés – et il y en a d’autres dans l’Évangile – sont mis en exergue. L’Évangile renverse les valeurs de ce monde ; il instaure un nouvel ordre de valeurs, celui du Royaume, où le critère de la vérité est en premier l’humilité – non devant les hommes – mais devant Dieu. Qu’est-ce que l’humilité ? – c’est, pour les anges et pour les hommes, reconnaître que seul le Seigneur est Seigneur.
Reconnaître la royauté du Roi
Le Royaume consiste à savoir qu’il n’est d’autre roi que le Roi, et d’autre royauté que la sienne. La Seigneurie de Dieu est exclusive ; elle est incommensurable à toute autre valeur ; et les anges des hiérarchies supérieures, archanges, séraphins et chérubins, le savent, qui le glorifient inlassablement comme seul seigneur et roi : « Saint ! Saint ! Saint ! le Seigneur des armées angéliques ! » Mais le message du Christ n’a pas un caractère moral ; il a un caractère ascétique. L’humilité est un charisme divin proposé à notre acquisition, en suivant la méthode ascétique du Publicain : se tenir à l’écart, ne pas lever impudemment les yeux sur Dieu, et cultiver une prière de repentir. Le saint et grand carême n’est peut-être pas autre que la voie d’acquisition de l’humilité du Fils – acquisition du charisme de glorifier le Père, sa sagesse, sa compassion, son amour, la justesse de ses jugements – charisme qui nous élève à la droite du Père !
(Radio Notre-Dame, « Lumière de l’Orthodoxie », dimanche 17 février)
> fresque du Publicain et du Pharisien