Histoire et géographie –
L’évangile de ce jour rapporte, non une parabole, mais un évènement historique, transcrit par les quatre évangélistes. Saint Matthieu (14, 14-22) dit que ce retrait suit l’exécution du saint Précurseur par Hérode ; saint Marc (6, 30-44) fait de même. Luc (9, 10-17) précise que le Sauveur et ses disciples se retirent près de la ville de Bethsaïde, en Galilée, sur la rive nord de la mer de Kinnérèt, à l’est du Jourdain, la patrie des apôtres Pierre, André et Philippe. Saint Jean (6, 1-15) le situe au même endroit mais il rapporte le miracle après avoir transcrit une longue révélation de Jésus Christ sur les rapports du Fils et du Père.
Anonymat et personne
Mais les disciples n’éprouvent pas de sympathie pour la foule que leur Maître attire. Pour eux, une foule est anonyme, des gens, comme on dit, une masse sans visage. Mais, pour Dieu, une foule a les mille visages uniques d’une réunion de personnes. Pour lui, ce ne sont pas des gens : ce sont des personnes. Dans son hypersensibilité divino humaine et sa clairvoyance, Il sait tout de chacune de ces personnes : ses soucis, ses joies, sa faim, sa fatigue, sa famille et son travail, selon l’anaphore de saint Basile. C’est pourquoi Il éprouve de la compassion pour chacun d’eux : Il les connaît intimement et pourrait appeler chacun par son nom.
La divine compassion
« Donnez-leur vous-mêmes à manger ! », dit le Seigneur. Épargnez-leur d’aller chercher eux-mêmes l’aliment de la sagesse, de la vérité et de la vie. Nourrissez-les vous-mêmes, vous avez reçu l’imposition des mains pour cela ; le Christ vous a appelés, non pour votre propre salut, mais pour le service de sa parole nourrissante au bénéfice des foules affamées. À un moment ou à un autre, Il a dit à chacun de ces disciples « suis-moi ! » : maintenant, Il leur confie de nourrir le peuple : « donnez-leur à manger ! » Ce pain « substantiel », ce pain « quotidien » que nous demandons tous les jours au Père céleste, parole même de Dieu, et subsistance matérielle et humble de ceux qui ont faim et soif, non seulement de justice mais d’aliments corporels, les ministres du Christ et de son Église ont été institués pour le distribuer.
Le Serviteur des hommes
Dieu voit que les hommes, les personnes humaines, sont fatigués ; l’humanité est fatigué et chargée ; et Il la fait asseoir, pour qu’elle se repose, pour qu’elle se laisse servir à manger et à boire, qu’elle se laisse laver les pieds. En son humanité sainte, Jésus Christ manifeste l’amour miséricordieux du Père pour les hommes, pour la foule en détresse. Sa compassion est divino humaine : Il montre humainement ce qui est divin. Tel est le sens de son Incarnation – son devenir-homme. Dieu s’est fait Homme par amour pour sa créature, pour la servir. Tout le dogme de l’Église tient dans ces mots. Nous connaissons Dieu parce qu’Il se révèle : et Il se révèle par l’amour. Saint Jean le dit : « Dieu est amour ». Il n’y a pas d’autre définition.
L’amour, unique motif
Pourquoi a-t-Il créé le monde ? – par amour pour ceux qui n’existaient pas et qui allaient exister afin d’être aimés ! Pourquoi devient-Il homme ? – par amour, encore. De quoi parlait-Il au désert avec le Père ? Mais, d’amour ! L’amour veut aimer ; l’amour ne reste pas sans être ce qu’il est ; l’amour ne reste pas sans aimer. Il prend soin d’autrui, de chaque personne dans la foule. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et Je vous donnerai le repos… » Sur la Croix encore, rien ni aucune souffrance, aucune humiliation, aucune injustice, aucune haine, ne fera l’amour cesser d’aimer. À notre époque, il y a parfois de la haine contre le Christ ; mais celle-ci ne triomphera pas de l’amour. Sans cesse, indéfiniment, l’amour répond par l’amour. Et nous aussi, membres et disciples de Jésus Sauveur, le même amour nous portera vers les foules.