Le Fils débauché –
Au Nom du Père et du Fils et du saint Esprit, nous approchons du grand Carême : l’évangile de ce jour nous l’annonce et parle, avec l’épître, du même péché, la débauche, c’est-à-dire le gaspillage de la vie sous une forme ou une autre. On parle de débauche, non seulement pour l’inconduite sexuelle, les excès alimentaires ou l’usage de stupéfiants, mais également pour toute espèce de démesure. Les deux textes ne parlent pas seulement de prodigalité, ce qui est une forme de générosité, mais d’un vrai dérèglement pouvant aller jusqu’à l’orgie ! À notre époque, un grand nombre de nos contemporains, adolescents et adultes, est pris par cette illusion, notamment par le biais des réseaux sociaux et de divers sites qui y incitent et produisent l’addiction. L’évangile, comme d’habitude, touche de façon concrète à l’actualité !
Le péché comme illusion
La débauche est une illusion. Elle est un néant qui promet d’être, une existence usurpée, une inflation qui ne comble pas le vide. Elle est un vécu virtuel et addictif. Elle offre mais ne tient pas la promesse de nous consoler de nos frustrations. En ce sens elle est la métaphore du péché, cette attraction du non-être qui se fait prendre pour de l’existence. Le Diable est le grand Illusionniste de ce monde. Dans une illusoire intensité d’être, le pécheur se laisse fasciner par une prodigalité de rien. Le débauché de l’Évangile sort de l’illusion quand il a « tout dépensé », c’est-à-dire désamorcé les fantasmes du consumérisme et accepté enfin sa condition de fils. La débauche, comme l’a vu le Poète, n’est pas une question morale : elle est une question métaphysique, ou même théologique.
L’initiation à la Paternité divine
Pourtant ce n’est peut-être pas, dans l’évangile du Fils Débauché, ce qui est le plus important. Pensons aux évangiles que nous avons entendus ces derniers temps. L’appel à la conversion adressé par le Précurseur (5 janvier) et par le Sauveur lui-même (12 janvier), a sa réponse dans les personnages que nous avons rencontrés ensuite. Le lépreux reconnaissant, Zachée le pénitent, la Cananéenne convertie, l’humble Sauveur et Messie lui-même présenté au Temple, le Publicain priant pour sa purification, indiquent le vrai chemin de la connaissance : simplicité, humilité, regret des fautes commises, libre soumission au Seigneur, et surtout l’amour et la piété d’un cœur sans détour. Connaître Dieu dépend, non d’une instruction, mais d’un comportement, dépouillé de toute prétention et guidé par le seul amour, qui permet de s’approcher du Père.
La divine parentalité
Tel est le grand mystère qui commence à se dévoiler aujourd’hui : Dieu est Père ! La symétrie du Pharisien et du Publicain, d’une part, du Fils débauché et du Fils fidèle et juste, d’autre part, constituent comme un portique qui ouvre l’initiation à la paternité de Dieu. Notre époque cherche la paternité. Toutes les époques l’ont cherchée. Le Fils de Dieu est venu dans le monde pour nous enseigner à prier « notre Père des cieux ! » L’ensemble de la tradition biblique culmine dans cette révélation. Le Christ nous communique l’image mentale, la figure, l’icône indispensables pour que l’homme puisse ne pas désespérer de son état déchu. Le Fils débauché s’est relevé, il est retourné sur ses pas, il a repris la route de la maison parce qu’il s’est souvenu qu’il a un père. Certainement, il avait également une mère. Mais, c’est l’amour paternel qui le console à cette heure de dégoût de lui-même – l’amour maternel, en fait, de son père.
Le Fils révèle le Père par le saint Esprit
L’évangile de ce jour nous permet d’aborder le saint et grand Carême avec joie. J’ai, nous avons, vous avez, tu as un père qui t’attend, qui vient à ta rencontre, qui guette à la fenêtre l’heure où il pourra se jeter à ta rencontre et te prendre dans ses bras. Est-ce de l’anthropomorphisme ? Oui, un peu, mais le Christ cherche à nous faire comprendre la raison d’être de sa présence, la raison d’être de tout son enseignement et surtout le motif fondamental de sa Passion glorieuse : la révélation de l’amour du Père. Simultanément est révélé le mystère de l’Esprit du Père, qu’envoie le Fils, et qui descendra comme la foudre sur les apôtres le jour de la Pentecôte. Cet Esprit a sauvé le Débauché. En effet, l’Esprit suscite en nous la mémoire du Père ; l’Esprit, comme dit saint Paul, crie, à la limite du conscient et de l’inconscient, dans notre cœur : Père ! Père ! Papa ! Et ce père a le visage de son fils, le Fils, le Seigneur Jésus, qui répond au cri d’enfant dans le cœur de l’homme.
(a.p. Marc-Antoine – 16/02/2025)