Se nourrir de la Parole –
Nous entrons aujourd’hui, enfin, dans le saint et grand Carême tant attendu ! Nous y entrons avec les catéchumènes et comme si nous étions nous-mêmes des catéchumènes : disposés à nous nourrir principalement – sinon exclusivement ! – de la Parole. Nous voulons faire cette expérience : trouver notre force dans les énergies divines, la grâce incréée qui jaillit du Père, nous est communiquée par l’Esprit et nous alimente quand nous communions au corps et au sang du Verbe fait chair. Le Christ le dit : l’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de de la Parole – c’est-à-dire de lui-même, dans le saint Évangile, dans les psaumes, et à la table eucharistique.
L’aide du corps
Le changement de régime alimentaire pour une pratique plus sobre appelle notre corps à l’aide. Nous ne pouvons être sauvés sans le corps. Il est l’instrument le plus puissant. L’âme s’appuie sur lui, elle s’enracine en lui ; et il se nourrit par elle. Ce que l’âme consomme comme sentiments, comme pensées, comme représentations, passe dans le corps, l’affecte ou le réjouit. L’écoute ou la lecture de la parole vivifie l’âme et par elle le corps. La sobriété du corps lui permet de recevoir par l’âme la grâce dont est remplie la Parole. C’est pourquoi notre corps est invité à prier, à mimer les sentiments et les pensées de l’âme descendues dans le cœur. Ce que nous croyons, ce que nous pensons, ce que nous disons au Seigneur dans la prière, le corps le « gestue » et le dit. Le corps parle, surtout quand il est sobre et attentif. Le corps écoute.
« Perdonare »
A quelle grâce espérons-nous communier ainsi ? De quelle énergie divine notre âme, notre cœur et notre corps ont-ils un besoin vital pour cette vie terrestre et pour la vie qui vient ? Quel don du saint Esprit nous est-il indispensable pour connaître la vie de résurrection, cette vie qui est, non un retour à la vie terrestre, mais l’entrée dans la vie éternelle à la droite du Père ? Ce don est le « pardon », du latin « perdonare » : donner sans réserve, remettre une faute. Le don d’oublier totalement une offense a sa source dans le Père : « pardonne-nous nos offenses ! », « remets-nous nos dettes ! » Seul Dieu est miséricordieux : nous pouvons recevoir de lui la grâce de lui ressembler. Il ne s’agit pas seulement d’excuser, qui est encore dans l’ordre de la justification et du raisonnement humain : excuser est en notre pouvoir. Pardonner est divin.
La grâce déifiante
Nous allons, si l’on peut dire, préparer le terrain à la grâce ! Le Miséricordieux nous invite à être miséricordieux ; Il veut nous donner la grâce d’agir comme Il le fait. Exerçons-nous tous les jours du saint Carême à pardonner, à remettre les dettes, à oublier le mal qu’on nous a fait ou qu’on a fait à ceux que nous aimons : nous ameublirons la terre de notre cœur pour que puisse y être semé, en graine de printemps, la grâce du divin pardon. Nous serons surpris par le miracle ! Autant le jugement, le ressentiment, la haine, la rancune pétrifient et racornissent notre cœur et notre conscience, autant le pardon épanouit, sanctifie et divinise, parce qu’il est une grâce divine ! Les énergies divines sont des énergies déifiantes. Et, comme l’a suggéré saint Silouane, celui qui pardonne à son ennemi jusqu’à l’aimer, jusqu’à donner sa vie pour lui, est assimilé à Dieu le Christ Jésus et Sauveur.