Les vraies valeurs –
On est frappé de ce que les habitants de la ville demandent au Christ de partir. Bien sûr, la présence du Sauveur chez eux est perçue comme une catastrophe, puisqu’ils ont perdu un troupeau entier de porcs, ce qui représente beaucoup d’argent. Mais la manifestation de la puissance divine sur les démons – la théophanie – est d’un prix bien plus grand ! Et comment évaluer la purification dont leur communauté bénéficie après l’expulsion des démons ? Voilà comment le Seigneur nous instruit à apprécier les vraies valeurs : nous pensons quelquefois plus aux biens matériels qu’à la purification de notre propre âme…
Le Créateur et les siens
La venue du Créateur dans son propre monde pose apparemment quelques problèmes ! Saint Jean le dit dans son Prologue : « Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jean 1, 11). Ce ne sont pas les seuls membres de son peuple Israël qui le rejettent : la très grande majorité de ceux-ci au contraire a formé les premiers disciples et martyrs. « Les siens » a un sens général : la société humaine. Tous les hommes sont « les siens » ; tous sont de sa famille et, à priori, de son peuple ; même non encore baptisés, ils sont à Dieu depuis le sixième Jour. Dieu est le dieu de tous, le Seigneur de tous, car Il est le créateur de tous ; et, en se faisant homme, Il s’est fait l’Homme universel ; Il a intégré dans sa personne divine toute l’humanité et tous les hommes. Il est chez lui parmi les siens. Et Il est également le dieu de tous les êtres visibles et invisibles, des anges, des démons, ces anges révoltés, et des bestiaux.
Un dieu qui dérange
Or, les anges et les hommes ont la liberté terrible de le rejeter : Que nous veux-Tu ? ; que fais-Tu ici ? ; es-Tu venu nous tourmenter ? Les démons disent cela. Ce sont des anges révoltés, et ils le montrent : qu’est-ce que Dieu vient faire dans un monde dont les démons sont les princes ? Est-ce la fin de leur domination ? Pour les démons, Dieu est un gêneur, un ennemi. Pourtant ils reconnaissent sa puissance et, tout en le maudissant, paradoxalement ils le supplient, lui qui ne leur a rien dit et qui est seulement présent.
« Restes-y ! »
Les humains font de même. Les paroles des démons sont ici les pensées des hommes : dis donc, Dieu, que fais-Tu ici ? Tu es chez nous ! Es-tu venu déranger nos petits projets, nos affaires, nos commerces ? Rentre chez toi, Dieu ! Remonte là-haut et restes-y ! Nous n’avons pas besoin de dieu chez nous, nous avons ce qu’il faut, ça va, merci ! Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de Dieu, nous ne sommes pas bêtes à ce point, pas plus bêtes que les bêtes ou les démons ; mais, nous, ça nous suffit largement que Dieu soit chez lui, dans son ciel, bien tranquille, et nous, sur notre terre, bien tranquilles aussi. Surtout que les soldes vont bientôt commencer !
Le bonheur
En fait, par ce rejet, ce renvoi de Dieu dans son ciel, nous nous privons du bonheur. Nous passons à côté de la grande merveille, plus belle que ces couchants et ces aubes que nous ne regardons souvent même plus. Le péché est une auto privation du bonheur, de la joie, de l’amour, de « la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme » (Jean 1, 9). Nous nous privons, nous, notre famille, notre village, la société entière: « toute la ville » de Gadara vient vers Jésus « et, dès qu’ils le virent, ils le prièrent de quitter leur pays ». C’est inouï ! Pas un qui ait dit : Non, « reste avec nous, car il se fait tard », comme l’on dit les disciples d’Emmaüs. Quelle relation avons-nous avec le Sauveur ? Le laissons-nous habiter chez nous ? Nous réjouissons-nous de sa présence ? Nous émerveillons-nous de ses miracles, même s’ils bousculent notre confort ? L’Esprit saint nous invite à être dans la joie et dans l’allégresse parce que Jésus le Sauveur est au milieu de nous !
(Radio Notre-Dame, « Lumière de l’Orthodoxie, le 9 juillet 2017).