La déification de l’homme –
Le dimanche de tous les saints est le premier grand évènement qui suit la Descente du saint Esprit. Il atteste les fruits de ce grand miracle : sanctification de la personne humaine, sa déification à la ressemblance du Christ. Deux autres événements manifestent l’action du saint Esprit dans l’Église et dans la Création : la Transfiguration du Christ – Dieu humanisé et Homme divinisé – et la Dormition de la Mère de Dieu, première créature déifiée. L’Esprit, nous le confessons dans le Symbole de la Foi, est « le Saint, le Seigneur, le Vivificateur, qui est issu du Père ! »
L’Esprit vivificateur
La vivification rend « âme vivante » au Paradis l’homme façonné à l’image du Verbe ; ensuite elle fait entrer les morts dans la vie, sur le modèle de la Résurrection personnelle du Dieu Homme ; enfin, l’Esprit vivifie l’homme en le rendant ressemblant à Dieu, en faisant de lui un dieu par grâce. L’Esprit vivifie donc en sanctifiant et en divinisant. Ce programme paraît, aux débutants que nous sommes, complètement inaccessible, invraisemblable et décourageant. Pour cela, bien des hommes ont abdiqué cette vocation et ont depuis longtemps renoncé à être saints « comme le Père céleste est saint » (Lév.11, 44).
Le péché des chrétiens
Notre grand péché consiste à nous contenter d’une sous vie chrétienne, dans laquelle l’accomplissement de quelques devoirs religieux, la fidélité à une morale et l’adhésion à une idéologie religieuse suffisent largement. Pourtant, la médiocrité de cette ambition est cause que beaucoup se déprennent de la vie chrétienne et la trouvent inintéressante – comparée à tort avec d’autres voies spirituelles ou religieuses qui, par leur nouveauté, semblent bien plus exaltantes. L’apostasie de nombreux chrétiens tient souvent au fait que le projet chrétien n’est pas présenté dans son absolu, son paradoxe, son impossibilité même.
La secousse de l’Esprit
Par sa Descente vertigineuse la semaine dernière, le saint Esprit nous secoue et nous dit qu’il est grand temps, pour nous-mêmes, pour nos proches, dans l’intérêt de nos contemporains, y compris de ceux qui ne croient pas, de relever la tête et d’annoncer clairement le projet du Christ pour le monde : devenir des saints – non pas des héros : mais des saints. Car Dieu n’est pas un héros, une espèce de Superman ou de Supergod mythique. Dieu est saint, c’est-à-dire qu’Il est pure lumière, puissance créatrice, force libératrice de la liberté des créatures, consolateur des affligés, joie sans mélange pour les pauvres, force d’amour des époux, sérénité, souveraineté des rois qui habitent son Royaume, incomparablement plus grand que tout, et incomparablement plus bas que tout – le « Très-bas », de Christian Bobin.
Dieu est saint
Sa sainteté est une force douce, une tendresse pleine d’énergie, et surtout : une beauté pure, une vérité, une sagesse qui sont au-delà des mots. Beauté de Dieu : beauté des saints ! Vérité de Dieu : vérité des saints ! Sagesse de Dieu : sagesse des saints ! N’est-ce pas ce que nous contemplons dans l’icône des déifiés, à commencer par celle de la très pure et très sainte Mère de Dieu ? Ne vénérons-nous pas cela dans l’icône de Jésus Christ, de « Je suis Je suis » qui parla à saint Moïse ? Le découragement, comme le doute, sont les grands péchés des baptisés : la sainteté est pour les autres, est une pensée perverse qui ne peut être que du Malin, tellement elle est en contradiction avec le plan de Dieu.
Comment devenir saint ?
Mais alors, que faire ? Cela paraît tellement impossible ! – Figurons-nous déjà la sainteté comme épanouissement de notre être. Émerveillons-nous de réalités minuscules qui sont à notre portée. Effaçons-nous derrière les autres, dépouillons-nous de nous-mêmes, renonçons à toute prérogative – suivons en fait la méthode du Christ : commençons petits pour devenir grands en Dieu !
(Radio Notre-Dame, « Lumière de l’Orthodoxie », 11 juin 2017)