L’homme est tout pour Dieu –
Il est beaucoup question des richesses pendant les dimanches du carême de Noël, et quand on vénère les grands saints de novembre et de décembre, comme Martin de Tours, Jean Chrysostome et Nicolas de Myre, exemples de générosité à l’égard des pauvres. La pauvreté volontaire et la générosité ont leur icône chez les saints de Dieu, mais elles sont l’apanage de la Divinité elle-même. Le Seigneur donna l’exemple typique de l’appauvrissement : en devenant homme, Il se dépouilla de toute prérogative et de toute gloire divines, afin de s’approcher de l’homme et de se rendre accessible à lui. L’homme est devenu tout pour Dieu.
Le divin dépouillement
Le grand mystère de l’abnégation et du dépouillement divins, est l’état de vacuité et de disponibilité, d’effacement, de silence, de retrait par lequel, paradoxalement, le Seigneur se rend présent à son monde pour le sauver, comme dit le tropaire des saintes icônes. La gloire du Seigneur est dans son humilité. Aujourd’hui, Il voile même sa divinité : Dieu seul est bon, dit-Il, comme s’Il n’était pas Lui-même Dieu !
Par ce dépouillement, le Seigneur se révèle en quelque sorte négativement. Il ne s’affirme pas, Il ne s’impose pas, Il ne domine pas, Il n’utilise pas la force. Il se retire, Il s’efface, Il s’humilie, Il meurt et se présente nu et sans défense au jugement des hommes. Lui qui a tout, le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, révèle qu’Il ne possède rien. Dieu n’a pas : Il est. Bien plus, ont dit certains maîtres, Il n’est pas, Il est en deçà de l’être, Il n’est que parce qu’Il veut être, sa Personne divine transcende son être.
Il est dur d’être chrétien
Telle est sa pauvreté ! Que les athées, que les sceptiques, que les matérialistes triomphent : Dieu n’a rien et n’est rien ! Mais ses disciples ont du mal à accepter cela ; c’est dur d’avoir un Prince dépouillé de tout, un Roi sans royaume, un Messie traîné dans la poussière du Golgotha. C’est dur d’être chrétien : on n’est jamais aussi pauvre que le Maître ! Aujourd’hui, l’homme appelé à être disciple de Jésus devient tout triste car il a de grands biens. Tout vendre pour suivre celui qui n’a rien, pas même une pierre pour mettre sous sa tête ? Quelle folie ! Non, nous voulons une institution religieuse puissante et riche, qui en impose aux puissants de ce monde ; nous voulons des cathédrales, des facultés, des hôpitaux, des associations efficaces et que le monde nous respecte ! Tout de même, nous ne sommes pas des chiens !
La générosité de Dieu
Et pourtant, le grand pouvoir est dans le non pouvoir, la grande richesse dans la pauvreté, la grande science dans l’inconnaissance, la grande connaissance dans la communion d’amour avec le Dieu de miséricorde, la grande gloire dans l’humble lavement des pieds, la souveraineté dans l’impuissance de la Croix, la victoire dans la défaite de Gethsémani. Paradoxalement, ce rien est tout ; du non être nous sommes conduits à l’être.
La divine pauvreté est une divine générosité. Quoi de plus généreux en effet de la part de Dieu que de se révéler, de se donner en communion à ceux qui croient en lui, de verser son précieux sang et d’immoler son corps très pur pour ses disciples et pour tout homme ? Le carême de Noël prépare dans tous les magasins les cadeaux que l’on voudra se faire en famille, entre amis, entre voisins. Les mages eux-mêmes sont venus vers le Roi du monde en portant des cadeaux, très modestes sans doute par rapport au cadeau que le Père céleste faisait de son Fils, mais très sincères et très conformes à la dignité de celui qu’ils voulaient honorer, le Seigneur et Maître de toute créature. Et nous, ce que nous offrons aux pauvres, c’est au Christ que nous le donnons.