L’obstacle au Salut –
Après les évangiles du Riche insensé, du mauvais Riche et de Lazare, et du généreux et miséricordieux Samaritain, la richesse est présentée aujourd’hui comme un des obstacles qui empêchent l’homme de jouir de l’amour de Dieu, de la liberté spirituelle, et de cet espace charismatique appelé le Royaume de Dieu, synonyme du Salut, et de la familiarité éternelle du Seigneur. Dans notre société d’abondance et de confort, quand tous les commerces profitent de l’approche des fêtes de fin et de début d’année, cette affirmation fait réfléchir. Avec humour, le Seigneur nous annonce que les chameaux seront sauvés avant les riches ! Il est vrai que ce noble animal symbolise la sobriété en tout, la docilité et la résistance à l’épreuve du désert…
Le fardeau de la richesse
Mais, au fond, pourquoi serait-il, sinon impossible, du moins très difficile pour le riche d’entrer dans le Royaume ? Sans doute, parce que la porte est trop étroite pour qui est lourdement chargé… Deux fardeaux gênent le riche, plus que la modeste bête de somme, deux soucis : l’abondance obsède l’esprit de l’homme par l’inquiétude ; le riche sent ses biens menacés, et cette préoccupation est un grand fardeau. D’un autre côté, la richesse charge quelque fois d’une telle assurance, d’une telle suffisance, d’un tel confort, que l’appétit spirituel, l’intérêt pour le Seigneur et son Royaume s’étiolent dans les cœurs rassasiés comme n’est pas l’animal du désert. L’inquiétude et l’assurance se disputent le cœur du riche : dans l’un et l’autre cas, Dieu disparaît de l’horizon spirituel de l’homme, par manque de foi en lui, ou par pur manque d’intérêt.
La question du Salut
L’avertissement fait aux riches de ce monde, non seulement ceux qui sont repus de biens matériels, mais encore les riches de la culture ou même de l’autosuffisance religieuse, tout ceux qui ont tout, n’est pas de caractère moral. Nous savons qu’il est des riches généreux et pauvres de cœur, et des pauvres qui donnent richement de ce qu’ils n’ont pas. Cette parole concerne le Salut. Qui peut être sauvé ? Comment être sauvé ? Voilà de bonnes questions. Comment connaître l’allégresse des anges, la joie du Christ, le « magnificat » de la Mère de Dieu ? Dans nos temps troublés, où la peur gagne les cœurs et en prive du sommeil, la question du Salut ne signifie pas seulement échapper aux malheurs, aux attentats, aux persécutions. Elle ne signifie pas seulement non plus, pour les riches que nous sommes peut-être, comment sauver nos richesses de ceux qui les convoitent ! Le Salut est une promesse positive : non seulement échapper à la mort et à l’enfer éternel, mais, surtout, communier à l’amour du Père et du Fils et du saint Esprit. Il signifie le règne du Dieu Amour dans nos cœurs, notre accès à cette même royauté, le registre sans pouvoir et sans domination de l’amour bienheureux et compatissant.
La liberté
Quand nous posons la bonne question, pour nous, nos enfants et notre prochain – « comment être sauvé ? » – toute notre vie se réorganise suivant la véritable hiérarchie des valeurs. Le salut n’est pas automatique. Il ne tient pas seulement à la miséricorde divine. Il dépend des choix que nous faisons pour nous-mêmes et, en tant que parents, pour nos enfants. La priorité donnée, non seulement aux commandements du Christ, mais à la relation et à la communion personnelles avec lui, consacre notre vie actuelle en vie éternelle. Et, ce qui ouvre le Royaume au riche, c’est précisément un choix : l’appauvrissement volontaire dont les moines donnent l’exemple, l’aumône du carême de Noël, et toute offrande faite à Dieu avec action de grâces. Le riche, et, du reste, le pauvre également, entrera dans le Royaume s’il acquiert librement du Seigneur la grâce de la gratitude !