La perte de la grâce
Il est écrit : « Dieu retire son Esprit.. » (1 Sa 16, 24 ; 28, 15) et encore : « Ne me retire pas ton Esprit saint » (Ps 50). Nous avons l’expérience d’un retrait de la grâce. Depuis le baptême, l’Esprit saint en Personne repose en plénitude dans les personnes membres du Christ ; et la nature humaine entière, assumée dans la Personne du Verbe (« hypostasiée ») par l’Incarnation, est habitée par l’Esprit : le baptême active cette réalité pour chaque personne qui croit en Jésus. La Personne du saint Esprit ne se retirera pas d’un être humain : l’Incarnation et la Pentecôte personnelle que constitue le baptême sont irréversibles. Nous confessons « un seul baptême » (Symbole de la Foi) ; le baptême ne peut être réitéré. Mais, nous pouvons perdre la grâce ou énergie incréée, car elle est distincte à la fois de la Personne de l’Esprit et de celle du Verbe.
Pourquoi ce retrait ?
Une pensée, une parole, une action, une négligence dans notre vie chrétienne, une déviation dans la foi, font que, soit la grâce nous est retirée pour un temps, soit elle cesse de s’épanouir comme elle le devrait. Nous pouvons également ressentir comme retrait ce qui est en fait le don d’une grâce nouvelle : par exemple, le Seigneur se fait plus discret dans notre vie et nous appelle à l’autonomie, comme une mère qui s’éloigne pour que son enfant marche. Le désert spirituel lui-même peut être une grâce particulière : l’acquisition d’une vraie soif de Dieu.
La perception de la grâce
Par exemple, après avoir communié au Corps et au Sang du Christ, ou à la suite d’une autre démarche sacramentelle (absolution, onction de l’Huile sainte, mais également couronnement, ordination), nous goûtons la présence de la grâce divine. Nous la percevons comme évidence de la divinité du Christ, facilité à accomplir ses commandements, perception de la présence divine en toute créature, particulièrement dans le prochain. La sensation de la grâce peut durer plusieurs années, plusieurs mois, plusieurs jours, quelques heures. Et, soit notre péché, soit la pédagogie maternelle de Dieu, nous ne ressentons plus rien, et nous avons l’impression d’être délaissés.
Comment la conserver
Nous conserverons la grâce en la faisant croître : l’être humain est, non pas immuable comme Dieu, mais engagé dans le devenir. La grâce divine se cultive, non par une attitude protectionniste, mais par l’activité qui tend à l’augmenter. Comment la faire croître pour ne pas la perdre ? Essentiellement par l’action de grâce : aussi disons-nous de telles prières après la communion. La louange entretient et multiplie la grâce. On l’entretient et on l’épanouit également en accomplissant les commandements, en « faisant la volonté du Père », Source du Verbe et de l’Esprit, et source première de tout bien, de toute grâce et de tout don. Une semence qu’on ne cultive pas s’étiole. On conserve également la grâce en la développant par la prière de supplication : Syméon le Nouveau Théologien, immergé dans la grâce du saint Esprit, ne cessait de crier intérieurement : Kyrie eleison ! En fait, on conserve la grâce en travaillant, paradoxalement, à l’acquérir toujours plus – non pas comme si nous n’en jouissions pas, ce qui serait ingrat et insensé, mais en n’étant jamais rassasié de l’amour, et en désirant encore et encore un amour plus grand et une union toujours plus grande avec le Seigneur.
Le repentir
Si nous l’avons perdue, si elle nous a été retirée en raison de nos fautes, nous la retrouverons par le repentir, lui-même grande grâce que nous implorons, selon Silouane l’Athonite. Le repentir est la grâce de pleurer, comme Adam à la porte du Paradis, pour avoir, par sa propre liberté, perdu la familiarité du Seigneur. Et nous confessons nos péchés pour renouveler et accomplir la grâce du saint baptême.