La condition humaine –
L’évangile que nous venons d’entendre nous touche particulièrement parce qu’il se situe dans une des régions les plus douloureuses selon le contexte géopolitique actuel : Jérusalem, Jéricho, la route qui relie ces deux villes évoquent pour notre sensibilité la violence et la souffrance d’une humanité victime de l’assaut des brigands et laissée mourante sur cette route. Mais nous savons lire et entendre ce passage pour y reconnaître la condition humaine générale, attaquée, non seulement par ces agresseurs humains, mais par les pensées injustes, les fausses doctrines, le mensonge, la jalousie, la convoitise, le ressentiment et tant d’autres passions.
« Faire miséricorde »
Qui pansera notre humanité victime de la violence, non seulement humaine mais diabolique ? Qui mettra l’huile de la miséricorde sur le péché des peuples et de ceux qui y exercent le pouvoir ? Qui lavera du vin de la sagesse charismatique la folie qui s’empare de l’esprit et de l’âme de ceux qui gouvernent ? Le Seigneur répond au légiste, non en proposant une nouvelle loi, un nouveau décret, mais en conseillant un comportement : « faire miséricorde ». Le verbe « faire » est employé trois fois dans ce texte : « que dois-je faire ? », demande le légiste ; « faire miséricorde », répond ce même personnage au Maître ; et « tu feras de même » est l’injonction du Maître.
L’amour agissant
Que ce soit sur le plan matériel ou sur celui de l’ascèse, l’action est la réponse à la souffrance, à la déréliction et à la solitude de ceux qui souffrent. Nous voyons avec émerveillement avec quel amour se dévouent des personnes et des associations aux victimes des bombardements, et nous reconnaissons dans leur sacrifice d’eux-mêmes pour autrui la présence même du Sauveur-Amour, du Fils de Dieu qui s’offre continuellement pour le Salut du monde. Et l’oblation de soi, cette action que préconise le Maître, n’est pas seulement sur le terrain, au milieu des ruines qu’on laissées les bombes, parmi les rues dévastées et les « auberges », les lieux de secours où l’on conduit les blessés.
La prière, première action
L’oblation de soi pour les victimes de la violence physique et spirituelle commence dans la prière, lorsque les saints entrent dans leur chambre, montent sur leur colonne, se retirent au désert ou dans une grotte pour intercéder pour le monde. Il n’est pas dérisoire, en temps de conflits et de crimes contre l’humanité, de monter sur la croix pour le Salut du monde. En pleine guerre, saint Silouane versait depuis sa grotte athonite des larmes de repentir et de compassion pour l’humanité meurtrie : il « faisait miséricorde » ! Le repentir pour le monde oint les blessures ouvertes ; il traque jusqu’au fond de notre propre cœur les semences du mal que nous apprennent les médias.
Le repentir pour le monde
Le repentir pour le monde consiste pour le samaritain intérieur de notre cœur à confesser qu’il n’est pas innocent de la souffrance des innocents. Et ce repentir même, divine humilité de celui qui gravit la croix pour le prochain, déverse à son tour un fleuve de compassion sur les victimes et sur leurs bourreaux. Ainsi le Seigneur, le samaritain par excellence quoiqu’Il fût Juif, « faisait miséricorde » depuis la Croix, et consolait à la fois les souffrants et ceux qui ne savent même pas ce qu’ils font.
(a.p. Marc-Antoine, Radio Notre-Dame, « Lumière de l’Orthodoxie », 12.11.23)