Tenir compte des personnes
La sagesse chrétienne est très réservée à l’égard des diverses formes de prévention de la grossesse parce qu’elles conduisent à dissocier la relation sexuelle, ou l’amour, de la fécondité, comme le montrent les débats contemporains. Mais cette question concerne beaucoup de personnes chrétiennes: elles veulent être agréables à Dieu et connaissent un amour conjugal authentique, fait de tendresse mutuelle et de plaisir partagé ; en même temps, elles ne croient pas avoir assez de foi pour assumer une nouvelle grossesse. Chaque couple étant unique, le rôle du père spirituel est d’appliquer une économie pastorale cohérente avec les forces de chacun. Il est peut-être des méthodes (Billings) acceptables…
La fécondité
Il est vrai que la vocation principale du couple est la fécondité dans l’amour. C’est pourquoi, quand nous avons des relations conjugales, nous pensons toujours, consciemment ou inconsciemment, à l’enfant possible – sans que cela soit pour autant une menace! L’enfant n’est pas l’ennemi du plaisir parental, comme le pensent certains. Il est inclus de façon naturelle dans l’amour réciproque des époux et il constitue la finalité de leur plaisir: c’est un plaisir qui n’est pas égoïste; c’est un plaisir qui est orienté vers une troisième personne à qui l’on veut également donner du bonheur, d’une façon ou d’une autre. Cette conscience et cet amour de l’enfant quand on fait l’amour inclut également les enfants déjà nés, nés de cet amour et de ce plaisir généreux et tendre; il inclut ceux qui auraient pu être conçus, si Dieu l’avait voulu, et qui finalement ne l’ont pas été. Il inclut également, c’est important de le dire, les enfants qu’on n’a pas eus, parce qu’on a évité de les avoir, non par manque de générosité mais seulement en raison de limites humaines objectives.
La précieuse semence
Il est vrai que la perte de la semence est, du point de vue biblique (Gn 38, 1-11), à éviter, comme le versement du sang. Précieuse comme le sang, elle est semence de vie et pour la vie. Nous sommes souillés quand la vie meurt, par le sang versé (d’autrui ou de nous-mêmes), ou par la semence gâchée. C’est pourquoi David dans son psaume dit: “délivre-moi des sangs versés!” Que faire? Peut-être que nos caresses peuvent être mesurées de façon à ce que ne se produise pas cette perte. Nous pouvons demander pardon à Dieu quand cela se produit malgré nous. Pensons au cas où l’épanchement advient pendant le sommeil, pour une raison ou une autre. Nous ne l’avons pas voulu. Nous sommes pourtant souillés et, à notre réveil, nous avons besoin de purification ; l’Église orthodoxe comporte une prière spéciale pour cela, et, comme une personne qui aurait eu une perte de sang, nous ne nous approchons pas de la sainte communion ce jour-là; nous voyons avec notre père spirituel s’il nous bénit pour communier bientôt.
L’abstinence pascale
Nous pouvons également profiter du carême dans lequel nous venons d’entrer pour pratiquer l’abstinence conjugale. Cette tradition ne vient pas du mépris que les chrétiens auraient pour ces relations. Au contraire, elle a pour but de revaloriser la rencontre conjugale, de retrouver la profondeur de l’amour, en deçà de la convoitise, et d’acquérir une certaine forme de chasteté – Dieu seul étant chaste, dont l’amour ne cherche pas à jouir d’autrui. Nous nous abstenons ainsi de ce rapport, soit pendant tout le carême, selon nos forces et notre foi, soit pendant une partie seulement de ce temps. Et nous verrons que c’est très bénéfique: nous appréhendons l’union amoureuse de façon différente, nouvelle, surtout parce que ce temps de jeûne a été habité par la prière commune des époux. Au lieu de faire l’amour, ils ont lu l’Évangile, ils ont prié ensemble pour eux-mêmes, pour leurs enfants, leur famille et pour le monde. C’est-à-dire qu’ils ont transposé leur amour de couple béni par Dieu sur un autre plan ; leur paternité et leur maternité ont été transfigurés en amour pour autrui et pour le monde entier ; l’éros lui-même s’est mué en amour de communion (agapè) à l’image et à la ressemblance de celui dont Dieu nous donne la révélation.
L’alimentation
Nous pouvons faire cette expérience. Elle est grandement facilitée par le changement de régime alimentaire pendant la période du carême (abstinence de nourriture animale, surtout de viande). Si nous nous montrons faibles, l’un et l’autre, sachons que Dieu ne juge pas, Il voit tout de notre cœur, Il pardonne et Il relève; Il propose d’essayer encore… Et notre prêtre doit pouvoir nous aider.