Pas de destin –
L’idée de destin, comme celle de fatalité, est totalement étrangère à la foi biblique. Ces mots appartiennent à la vision de la philosophie antique ou asiatique qui voit le monde gouverné par « le hasard et la nécessité », par des forces aveugles et impersonnelles. La vision biblique, magnifiée par le Sauveur Jésus le Messie, est que rien n’arrive dans le monde sans la permission, la volonté ou l’intention de Dieu. L’homme n’est pas un écureuil courant sans fin dans la roue du destin. Le supplice de la roue n’est pas pour l’homme. La Croix vivifiante l’a remplacé à jamais. Mais l’homme peut, étant trompé ou se trompant, se rendre lui-même prisonnier d’une loi cosmique, s’asservir à une forme de destin. C’est l’état de chute, dont veut le libérer le Christ.
Providence divine
Le Seigneur Dieu est un père qui voit son fils aller et venir, partir et revenir, faire des erreurs et se repentir, suivant la belle parabole du Fils prodigue. Il le voit également prisonnier d’un destin qui n’existe pas et qu’il s’est fabriqué. La paternité divine assume une infinie souffrance pour l’homme qui use de sa liberté pour s’éloigner du bonheur promis et se prive lui-même du banquet préparé pour lui. Cette souffrance infinie et incompréhensible est manifestée par le Fils de Dieu, le Verbe, ou Parole, devenu chair et devenu homme: la sainte et vivifiante Croix montre que la Providence choisit d’être impuissante devant la liberté de la créature, quoiqu’elle soit, par elle-même, souveraine et toute-puissante, en tant que volonté d’être et de faire être.
La divine souffrance
Le Père et le Fils et le saint Esprit, Dieu unique, voit tout, et prévoit tout, et, dans son omni science et son omni prévoyance, Il respecte infiniment la liberté de la créature: l’ayant créée libre, Il la détruirait s’Il la contraignait. Il l’avertit toutefois par sa Parole, avant même que Celle-ci ne se fasse chair, par les enseignements de la Loi, des Prophètes et des Justes – et finalement, en parlant directement aux hommes, grâce à sa venue parmi eux et à son « humanisation ». Il cherche à persuader ceux-ci et à les convaincre par son amour. Il souffre de les voir se priver eux-mêmes, par un usage aberrant de leur liberté, du bonheur qu’Il leur propose en son amour. L’Esprit Lui-même gémit que ne puisse s’accomplir la volonté du Père qui est que tous soient sauvés et parviennent à la connaissance parfaite de la vérité: la communion dans l’amour.
Faire la volonté du Père
D’une certaine façon, le Seigneur s’étant révélé sans réserve, nul homme ne peut ignorer sa volonté : par la Parole et par le saint Esprit, tout homme peut connaître la volonté du Père ; il essaye de faire cette volonté, de la mettre en pratique. Dans le psaume 142, par exemple, il supplie le Seigneur de lui accorder d’accomplir sa volonté. Le Seigneur révèle sa volonté, mais nous avons besoin de sa grâce pour la mettre en pratique. Nous avons besoin de que Dieu nous libère des chaînes que nous nous sommes données. L’homme, quelle que soit la sincérité de son coeur et la justesse de son esprit, ne parvient pas toujours à faire la volonté divine, soit parce qu’il est asservi à ses propres passions ou qu’il ne veut pas vraiment ce que Dieu veut; soit parce qu’il est confronté à la volonté d’autrui qu’il ne peut contraindre.
L’homme crucifié
L’homme se trouve alors dans une position analogue à celle qu’adopte le Créateur: il veut le bien, mais il est crucifié à la volonté libre d’autrui, qu’il ne peut contraindre. Par exemple, un homme voudrait se réconcilier avec un autre, ce qui est la volonté de Dieu et la sienne, mais cet autre ne le veut pas. Que faire, devant ce refus d’autrui de faire la volonté divine? Il peut monter sur la Croix, comme l’a fait le Seigneur, et assumer ce refus comme s’il était lui-même le dernier des pécheurs. L’homme qui voulait faire le bien et en est empêché par la liberté d’autrui peut donner, comme Dieu le fait, sa vie pour le pécheur, son frère, son ami, son proche. Il cherche à répondre au refus de celui-ci par l’amour le plus grand dont il est capable, et par une disposition sans réserve à sacrifier sa vie pour lui et à lui pardonner. Les saints font pénitence pour les autres, même pour leurs bourreaux. Le repentir est la grande force : elle est celle qui ressemble à la toute-puissante abnégation divine.
La force du repentir
Quand Il renonce de façon ultime à contraindre la liberté humaine, c’est-à-dire sur la Croix et en entrant librement dans la mort, le Seigneur est absolument vainqueur. Par l’abnégation et par l’humilité, Il est vainqueur du Diable, du péché et de la mort. Quand nous faisons pénitence pour le refus d’autrui, quand nous renonçons totalement à le juger, nous communions à la victoire du Christ et à sa résurrection. Nous avons ainsi, à notre niveau, l’expérience de la situation dans laquelle le Providence divine se trouve. Celle-ci voit ce qui se passe ou ce qui va probablement se passer; Elle prévient autant qu’Elle le peut les conséquences douloureuses ou même désastreuses des choix que fait la personne humaine; Elle lui parle par ses prophètes ou ses pères spirituels; Elle lui rappelle sa Parole de vie; Elle s’interpose dans certains cas entre sa créature et les souffrances qui la menacent; Elle attend avec une patience infinie son retour; Elle ne la juge pas; Elle ne la condamne pas.
Les trois volontés
Quand nous sommes confrontés à une situation difficile, en raison de nos propres fautes et en raison de la liberté d’autrui, sachant que le Malin s’en mêle et émet toutes sortes d’injonctions contraires au vouloir divin, notre attitude pourra être celle du repentir et de l’acquisition de l’amour du Christ. Il n’est rien de fatal ou d’inéluctable. Tout est toujours possible. Mais tout dépend des libertés et des volontés: la liberté et la volonté divines; la liberté et la volonté diaboliques; et la liberté et la volonté humaines. Le monde est gouverné, non par un prétendu destin, ou par le hasard ou par la fatalité, mais par le jeu des trois libertés et des trois volontés. Le génie de la vision biblique du monde est d’avoir remplacé le destin aveugle par Quelqu’un, le Dieu personnel connu dès le Paradis, et qui s’est adressé à Abraham, à Noé, à Moïse, à la Vierge Marie pour finalement se faire homme. La vision biblique de Dieu et de l’homme valorise la responsabilité à la fois de Dieu et de l’homme.