La bénédiction
La grossesse n’est pas seulement un évènement biologique. Dieu y a sa part, en créant une personne nouvelle dans le cadre de la relation qu’ont les époux. Celle-ci est ainsi une synergie divino humaine, et la fécondité l’accomplissement du commandement divin « croissez et multipliez-vous ». Aussi la grossesse est-elle, pendant toute sa durée, l’objet d’un grand émerveillement, puisqu’elle manifeste la bienveillance de Dieu : Il veut qu’existent de nouvelles créatures qui auront part à son amour, à sa joie, et à l’allégresse de le connaître. Pour cette raison, les époux, quand ils savent qu’ils sont féconds, présentent à Dieu ce don qui vient de lui, pour qu’Il le bénisse à nouveau (cf. Bénédiction de la grossesse) et jouissent de la prière liturgique pendant tout ce temps. Eux-mêmes apprennent à prier pendant la période où grandit au milieu d’eux l’enfant que le Seigneur leur a confié (cf. Prière des époux qui attendent un enfant).
La rigueur et son sens
Certains pères spirituels conseillent aux époux de s’abstenir de relations conjugales pendant la grossesse. Cet appel exigeant se comprend par considération pour la présence de l’embryon, la petite personne qui grandit sous le regard de Dieu, au sein de l’amour des époux. Il suggère que l’enfant soit entouré d’un amour sans passion égoïste, sans convoitise, et que les époux commencent à s’habituer à renoncer à eux-mêmes par amour pour ce troisième (ou plus !) qui élargit leur amour. L’embryon étant très sensible à ce qui l’environne – bruit, climat, sentiment, paroles, etc. -, il ressent ce qui se passe dans l’âme de ses parents. Plus ceux-ci accèdent à un amour désintéressé, plus l’enfant a la possibilité de s’épanouir, non seulement physiquement, mais moralement et spirituellement. L’éducation de l’enfant commence dès la grossesse.
Un style de relations
On peut penser ne pas devoir suivre à la lettre ce précepte, qui semble surestimer les époux. Mais, en en conservant l’esprit, et en ne sous estimant pas les baptisés, on admettra facilement que les relations les plus intimes des époux vont changer à partir de la fécondité. Quand ils s’aimeront, ils le feront en sachant, et bientôt en sentant, la présence de leur petit. Ils l’aimeront en s’aimant ; ils le respecteront en se respectant ; l’expérience de la chasteté conjugale, c’est-à-dire d’un amour sans convoitise, sera celle de la tendresse. Celle-ci, dont nous parle la sainte Écriture à propos de l’amour que Dieu a pour son peuple, aimé comme une épouse, est un contact, un toucher, une sensualité même, empreints de douceur et de délicatesse : l’amour pour l’enfant l’emporte de plus en plus et les époux gagnent en amour conjugal en sacrifiant tout égoïsme par tendresse pour le fruit de leur amour, cet enfant dans lequel précisément ils se reconnaissent. La sagesse orthodoxe dans l’Église enseigne, non l’amputation, mais la gestion du désir, la transfiguration eucharistique de l’éros.
Le discernement
Il est de simple sagesse de dire qu’il n’y a pas de règles dans ce domaine. L’expérience chrétienne ne tient pas à des règles : elle est une question de grâce ! Chaque couple, avec la maturité affective et spirituelle qui est la sienne, avec la place que la prière de foi a chez lui, inventera, avec la grâce du saint Esprit, ce qui est bon et sage. La grâce reçue dans le sacrement du couronnement inclut certainement de telles dispositions : elle est la grâce de s’aimer comme Dieu aime, de concevoir un enfant selon Dieu, la grâce de la paternité et de la maternité spirituelles (grâce d’éduquer) ; elle est également celle d’être créateur dans le domaine des sentiments, notamment dans l’amour de l’homme et de la femme, appelé à être l’icône de l’amour divino humain.
Bibliographie : « L’ascèse chrétienne dans le mariage et la vie monastique », Le Buisson Ardent. Cahiers Saint-Silouane l’Athonite, n°19, 2013-VII.