L’impureté –
La superstition peut faire penser à quelqu’un qui n’a que du bonheur que cela va mal se passer. Certains pensent : ça ne durera pas ! Ou : on va le payer ! La peur du malheur fait douter du bonheur. L’appréhension de l’orage fait douter du beau temps ! Ces pensées, qui font sourire mais qui sont impures, n’ont pas de place dans un cœur baptisé. Elles sont généralement inspirées par la peur et le manque de foi en Dieu.
Bonne et mauvais fortune
Les mots « bonheur » et « malheur », comme l’expression « avoir de la chance », ne sont pas non plus inspirées par la foi. Être heureux, en bonne santé, bien en ménage, comblé professionnellement, émerveillé par ses enfants : ces situations ne dépendent pas d’un hasard heureux, et la fortune, bonne ou mauvaise, ne guide pas notre vie. Chez les païens, existait une déesse du nom de Fortuna. Mais les baptisés croient que leur existence est conduite par la Providence, par la main bienveillante du Père céleste.
La béatitude des saints
A défaut d’un autre terme, on emploie toutefois le mot bonheur pour désigner l’état de félicité, de satisfaction, voire de béatitude, auquel la créature humaine aspire. Toutes les créatures visibles et invisibles tendent du reste vers un état d’épanouissement et de stabilité. Une grande aspiration à la félicité anime l’ensemble de la Création habitée par le souvenir inconscient du Paradis, et l’aspiration, inconsciente également, au Royaume. Le Précurseur et le Messie Lui-même ont annoncé la proximité du Royaume, c’est-à-dire la possibilité réelle d’une béatitude en Dieu
Le péché d’ingratitude
Les formes matérielles, corporelles et sentimentales que prend la béatitude que le Créateur veut pour sa créature sont des motifs quotidiens de reconnaissance. Elles sont des avant-goûts de l’allégresse promise aux justes et aux saints, dans la compagnie des Puissances incorporelles qui louent sans cesse le Trois-fois-Saint. Il serait indigne de mépriser ou de calomnier ces anticipations sacramentelles. Et il est redoutable de refermer une main égoïste sur ces dons de Dieu. Tout ce qui nous rend heureux, au lieu de s’arrêter seulement à notre existence limitée, retourne vers Celui qui nous l’offre : à son tour, Celui-ci nous suggère de nous réjouir avec autrui et de partager avec les Frères et avec le prochain ce que nous avons reçu de lui. C’est pourquoi les offices d’action de grâce ont leur place dans la vie de l’Église : le rythme de l’existence créée est de type eucharistique.
L’épreuve du bonheur
En ce sens, être heureux, exactement comme ne pas l’être, constitue une épreuve. La richesse et la santé sont des épreuves aussi redoutables que la pauvreté et la maladie. Dans l’un et l’autre cas, le Seigneur propose à ses serviteurs de manifester le meilleur d’eux-mêmes : leur foi, leur fidélité à Lui, leur compassion et leur générosité à l’égard d’autrui. Le « bonheur » est confié à notre gestion. Et, effectivement, le Seigneur est maître de ses dons : ce qu’Il nous a confié, Il peut juger bon de nous le reprendre pour le confier à d’autres. Mais ce ne sera pas pour punir, car le monde n’est pas un vaste système pénitentiaire, comme on a pu le croire à tort.
Demeurer uni à la Source de tout bien
En fait, l’Esprit saint nous inspire de rendre grâce à Dieu en toute circonstance, confortable ou douloureuse, parce que l’essentiel de l’existence consiste à demeurer uni à lui, et même à l’être de plus en plus, de façon à franchir les portes de la mort vers la vie. L’Esprit nous inspire d’aimer le Donateur plus que ses dons, la Personne divine plus que les agréments ou les désagréments qu’Elle permet. Les saints ne s’inquiètent ni d’être heureux ni de ne pas l’être : ils s’inquiètent d’être agréables au Seigneur et de demeurer unis à lui en toute circonstance.