L’évènement –
Le 9 décembre dernier, le président de la république française a gracié une femme qui avait assassiné son mari : « J’ai décidé d’accorder à Jacqueline Sauvage une remise gracieuse du reliquat de sa peine. Cette grâce met fin immédiatement à sa détention. » Annoncée le 28 décembre, cette décision a réjoui un grand nombre de personnes de tout bord, et a rencontré également des critiques. On sait que la constitution de la Cinquième république comporte, pour son président, le droit de grâce. Cette décision est donc constitutionnelle.
La grâce et la Loi
Au moment où, dans la prière liturgique, les chrétiens faisaient mémoire du roi Hérode et du massacre des enfants, un président de la République exerce le droit de grâce. Quand Hérode cherche à détruire à la naissance le germe par excellence de la liberté pour le monde, dans ce même monde est manifestée la liberté de remettre la dette. La Loi n’est pas abolie : « Tu ne tueras pas » reste la norme, y compris dans un pays qui pratique l’avortement, c’est-à-dire le meurtre des petits. Paradoxe de nos comportements… Dans ce même pays, on a également aboli la peine de mort – le droit de tuer. « Tu ne tueras pas » est, actuellement, le titre d’un film impressionnant dont le personnage central prend le risque de suivre la parole de Dieu. À voir ! La Loi reste ce qu’elle est. Mais il existe l’économie qui transcende la Loi.
Gracier
Le vocabulaire français est riche sur ce sujet : grâce, gracier, gratifier, disgrâce, gracieux… La grâce – « ce qu’on accorde à quelqu’un pour lui être agréable, sans que cela lui soit dû » (Petit Robert) est tout de même un mot qui résonne divinement ! La grâce, transcendant tout droit, est essentiellement liberté ; gracier, c’est, comme on le voit dans le cas présent, libérer de la détention, mais également remettre, pardonner, effacer les conséquences mêmes d’un acte. La grâce est, selon les Pères orthodoxes, énergie divine et non créée : elle est une puissance venue d’en Haut. Elle féconde la liberté, elle l’inspire, elle lui donne une impulsion pour faire le bien, c’est-à-dire la volonté de Dieu. Et c’est à celui-ci qu’il est bon de rendre grâce.
La Nativité
Rendons grâce à Dieu pour la manifestation de la grâce qui procède de lui et qui est exercée dans son monde par les hommes. Les chrétiens saluent tout ce qui se fait de bon, de beau et de sage dans le monde. Il est grand que la responsabilité politique puisse être celle de remettre les dettes et de pardonner. Rendre à César ce qui est à lui et à Dieu ce qui lui revient est normal. Mais, comme il est beau que César puisse, de temps en temps, faire la volonté de Dieu. Certes, Celui-ci ne justifie pas le meurtre, même pour se défendre d’un ennemi : Il a enseigné l’amour de l’ennemi – même si l’ennemi est le conjoint. Mais Il enseigne la remise des dettes. Il fait apparaître dans le monde la liberté de l’Esprit. Telle est la lumière de la Nativité – a-t-il fait exprès, notre Président, d’exercer le droit de grâce en ce temps précis ? De la grotte obscure et humble de Bethléem jaillit – on le voit sur l’icône de la fête – une lumière douce et chaude qui se dirige vers le monde : les anges, les animaux, les hommes ; et cette lumière est celle de la grâce et de la liberté apportée par le Sauveur. Il s’est fait chair et Il s’est fait homme pour cela. Le Verbe incarné annonce la venue de l’Esprit. Et Il se réjouit quand la grâce qui sourd de lui-même est manifestée, y compris par ceux qui ne croient pas encore en lui.